elle est, à mon avis, la seule cantatrice au monde. »
Ivan Tourguéniev à Louis Viardot, 1843.
Tourguéniev recrée la Russie à Bougival.
Ce qu’on appelle sa « datcha » (et qu’il nomme son « chalet ») est plutôt, de l’extérieur, d’inspiration suisse. Mais lui, il est la Russie.
Il porte la neige sur ses cheveux et sur sa barbe.
Ses racines littéraires sont celles des écrivains qu’il a rencontrés ou qui sont ses amis : Tolstoï, Gogol, Pouchkine, Biélinsky, Chtchédrine, Lermontov… – et dont il est en France un ardent promoteur[[Il crée également, en 1875, la première bibliothèque russe à Paris pour les étudiants et les émigrés.]].
Sa famille est de la vieille noblesse russe : sa mère possède dix villages et environ cinq mille « âmes » à 300 kilomètres de Moscou. Ivan Serguéïévitch en hérite en 1850, ce qui ne l’empêchera pas d’être, en particulier avec ses Mémoires d’un chasseur qui l’envoient dans les geôles du tsar en 1852, un artisan de l’abolition du servage en 1861.
C’est que, s’il apprend la chasse avec son père, l’histoire, les langues, les sciences et la poésie avec ses précepteurs
il découvre aussi l’autorité, la brutalité et l’injustice avec sa mère.
En 1822, il effectue un premier séjour en France. À partir de 1843, lorsqu’il ne se trouve pas en Russie, il est à Paris ou dans le château des Viardot à Courtavenel-en-Brie, ou quelque part ailleurs, mais jamais très loin de sa cantatrice.
– En effet, en 1843 à Saint-Pétersbourg, il entend chanter Pauline Viardot, sur de la célèbre Malibran décédée à 28 ans en 1836. Pauline a vingt et un ans de moins que son mari (directeur de l’opéra italien à Paris) et trois de moins que Tourguéniev, qui a le coup de foudre. Pour la suivre pendant quarante ans à Paris et à travers l’Europe, il quitte en 1845 son emploi de fonctionnaire.
– En 1847-48, il vit en France, en particulier 1 rue Tronchet à Paris.
– En 1853, c’est Pauline qui chante à Moscou, et Tourguéniev, alors en liberté surveillée dans la maison maternelle de Spasskoïé, échappe à la surveillance de la police du tsar pour aller l’entendre.
– De retour à Paris, il s’installe en 1856 206 rue de Rivoli. Un de ses voisins est alors Tolstoï, qui est logé dans une pension de famille, au 210. Puis Tourguéniev emménage 11 rue de l’Arcade.
– En 1861, il découvre les environs de Bougival à l’occasion d’un séjour au « Vert-Bois », à la limite de Rueil et de Bougival, chez un autre Tourguéniev, exilé politique.
– En 1862, Pauline Viardot se retire de la scène et s’installe à Baden-Baden. Tourguéniev s’y fait construire une belle villa quelques mois plus tard.
– De 1871 à sa mort en 1883, il occupe le second étage de l’hôtel des Viardot, 48 (aujourd’hui 50 bis) rue de Douai.
Il a fait aménager un conduit entre son bureau et le salon de musique de Pauline, pour l’entendre répéter ou travailler avec ses élèves pendant qu’il lit et qu’il écrit.
Les années 70 sont celles de l’amitié avec Flaubert, Maupassant, Zola, Daudet et quelques autres.
– En 1873 et 74, Tourguéniev passe l’été à « La Garenne », demeure qu’il loue avec les Viardot près de l’église de Bougival (10 rue de la Croix-aux-Vents).
– Tourguéniev achète en 1874 le domaine des Frênes à Bougival, qui comprend alors une belle demeure de style italien, la villa Palladienne, construite en 1830 pour le parfumeur Bourbonné. _ L’écrivain fait construire un peu plus haut, dans le parc, un chalet qui sera son habitation, alors que la demeure principale est celle des Viardot. De 1875 à 1883, il vit neuf mois sur douze entre Bougival et l’hôtel de la rue de Douai, et l’été à Spasskoïé.
Il est alors au sommet de sa gloire, tant en Russie qu’en France. À Bougival, il écrit Terres vierges et Poèmes en prose.
C’est là qu’il meurt en 1883.
Pour visiter le lieu
Le musée Tourguéniev se trouve 16 rue Ivan Tourguéniev. Grâce à la famille Zviguilsky et à l’association des Amis de Tourguéniev, le chalet a été sauvé de l’abandon dans les années 70 et est ouvert au public le dimanche, du printemps à l’automne (tél. : 01 45 77 87 12). Cette datcha cachée au milieu des arbres fourmille de documents sur Tourguéniev et ses contemporains écrivains, russes et français. La restauration du 1er étage est une réussite. Et le samovar semble attendre le visiteur. L’accès au musée se fait par la N13, derrière l’hôtel Holiday Inn.
Quelqu’un à contacter ?
L’association des Amis d’Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot et Maria Malibran a son siège 100 rue de Javel, 75015 Paris.
Pour contacter le musée : musee.tourgueniev@wanadoo.info ou courrier@tourgueniev.info ; site www.tourgueniev.info.
À voir aux alentours
– Dumas à Monte-Cristo (Port-Marly),
– Anaïs Nin à Louveciennes,
– Balzac aux Jardies à Sèvres,
– Boris Vian à Ville d’Avray,
– Zola et Maeterlinck à Médan,
– Théophile Gautier et Jacques Prévert à Neuilly,
– Maupassant à Chatou,
– Mirbeau à Carrières-sous-Poissy,
– Alain au Vésinet.
Petite bibliographie
Un russe « presque français » : Tourguéniev, par Alexandre Zviguilsky dans Balade sur les pas des écrivains en Yvelines, Éditions Alexandrines, 2000.
Guide des russes en France. Editions Horay, 1990.
Cahiers Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot et Maria Malibran. À commander au musée.