George Sand, lettre à Flaubert en 1872.
Les Maîtres sonneurs est un formidable roman dont l’action se déroule à la fin du XVIIIe siècle et qui respire l’amour de la nature et du voyage, de la musique… et de l’amour. Ce mélange de Stevenson (pour l’art de raconter), d’Indiana Jones (pour les scènes qui font peur) et de romantisme, c’est George Sand, celle qui passe ses journées à écrire et proclame en même temps, avec une belle humilité, que ses livres ne sont pas grand chose.
Alors lisez ou relisez ce roman, en profitant éventuellement des balades sur les pas des Maîtres sonneurs proposées entre Bourbonnais et Berry dans le cadre de l’année George Sand.
Ecrit en quelques semaines fin 1852-début 1853 (le roman paraît en 32 feuilletons dans Le Constitutionnel en juin-juillet 1853) au milieu de graves soucis intimes, familiaux et politiques, l’ouvrage reprend un thème développé dix ans auparavant dans Consuelo : la fusion de l’artiste et du peuple, mais de façon moins lyrique. Car, depuis, la révolution de 1848 est passée par là. Le conservatisme a stoppé net l’élan révolutionnaire en juin 1848 et le coup d’État de décembre 1851 l’a enterré pour longtemps. Tout cela a bouleversé la conception qu’avait l’écrivain romantique des aspirations sociales du peuple et de la communion entre ce dernier et l’artiste.
La « morale » des Maîtres sonneurs est humble mais exigeante : comme les héros du récit, Tiennet, Brulette, Thérence et Huriel, chacun doit s’efforcer de changer pour trouver le bonheur : le voyageur se fait sédentaire, le casanier voyage, la fille gaie devient maternelle, la sauvage devient aimante. L’évolution individuelle est le prélude indispensable à l’évolution de la société.
Joseph, orphelin de père, le seul personnage qui ne change guère – excepté en poussant plus loin sa maîtrise de la cornemuse – se condamne à mort. Souffreteux, égoïste, lunatique, il emprunte beaucoup de son caractère à Chopin, amant de Sand pendant dix ans jusqu’en 1847 (il s’est mis à lui préférer Solange, sa fille) et décédé deux ans plus tard (1).
L’essentiel du roman se passe à Nohant, bien que ce ne soit pas toujours explicite. Les guides touristiques parlent davantage de Saint-Chartier, dont les combles du château abritent en effet une des dernières scènes (le château était en ruines à l’époque de George Sand, et il apparaît ainsi dans le roman).
A plusieurs reprises, l’action se déplace donc du Berry au Bourbonnais, puisque qu’elle narre comment Joseph, jeune garçon de ferme attaché à la propriété de l’Aulnière (que l’on peut toujours voir près de Nohant) s’initie à la musique en compagnie des muletiers et des bûcherons de la région de Chambérat, dans l’Allier.
D’autres lieux du roman :
La mère de Joseph travaille à l’auberge du Boeuf couronné, à Saint-Chartier dans la rue qui va vers Issoudun. « De la rivière, qui arrosait le mur en contrebas du Boeuf couronné, on montait, raide comme pique, à la place, qui était, comme aujourd’hui, cette longue chaussée raboteuseplantée d’arbres, bordée à gauche par des maisons fort anciennes, à droite par le grand fossé, alors rempli d’eau, et la grande muraille alors bien entière du château. Au bout, l’église finit la place, et deux ruelles descendent l’une à la cure, l’autre le long du cimetière. »
Le bâtiment qui abritait le Boeuf couronné est encore debout aujourd’hui.
La Font-de-fond, près de la ferme de l’Aulnière, est la « Fontaine des fontaines » où Tiennet rencontre un soir l’inquiétant Joseph et qui est également, dans les Légendes rustiques, le lieu de rencontre des lavandières maudites.
(1) : George Sand a élevé quelque temps à Nohant Joseph Coret, un jeune garçon chétif délaissé par sa mère. Si l’on considère également le personnage de Charlot, Les Maîtres sonneurs est aussi un roman sur l’enfance orpheline… son auteur ayant été orpheline de père à quatre ans et privée d’une vraie mère.]