Ce qui séduit le lecteur de Simenon dès les premières lignes de ses romans (et peut aussi en rebuter d’autres), c’est, en plus de l’intrigue policière, « l’atmosphère Simenon », faite d’une rapide entrée en matière, de la rudesse des dialogues et de la confrontation entre la bonhommie et le flegme de Jules Maigret, et le sordide des personnages qu’il rencontre.
L’Affaire Saint-Fiacre (1932) est demeurée longtemps un mystère, même après que Jules Maigret en a trouvé le coupable. En effet, nul Saint-Fiacre à 25 kilomètres de Moulins dans l’Allier (comme indiqué dans le roman) et qui corresponde à la topographie du récit !
Peu à peu, on a compris que Saint-Fiacre n’était autre que Paray-le-Frésil, où Simenon a été en 1922-23 secrétaire du comte de Tracy (qu’il appelle son « second père »). Sa connaissance des lieux et de la vie du (de ?) château lui ont permis d’y transposer, plusieurs années plus tard, le cadre de son roman.
C’est aussi dans les communs du château qu’il fait naître le commissaire Maigret.
Le roman s’ouvre au petit matin sur l’assassinat, en pleine messe, de la comtesse de Saint-Fiacre. Comble du comble, le commissaire Maigret, prévenu de l’événement, se trouvait dans la petite assemblée ! C’est que la comtesse n’a pas été tuée avec une arme ordinaire…
Maigret revient ainsi sur les terres de son enfance.
L’enquête, lancée aussitôt, aboutit rapidement, comme il est d’usage dans les Maigret. On y croise Jean Métayer, amant et secrétaire de la comtesse (comme Simenon lui-même a été secrétaire du comte de Tracy) et collaborateur au Journal de Moulins à Nevers (comme Simenon l’a été à Paris-Centre), Gautier, le régisseur du château (successeur du père du commissaire – Évariste Maigret), le comte Maurice de Saint-Fiacre, fils de la comtesse…
Le dénouement a lieu lors d’un dîner au château, dans une ambiance digne de Hercule Poirot… et de Walter Scott.
Le château, il le connaissait mieux que quiconque ! Surtout les communs ! Il lui suffisait de faire quelques pas pour apercevoir la maison du régisseur, où il était né.
L’Affaire Saint-Fiacre.
Les autres lieux du roman :
– la maison d’Ernest, l’enfant de choeur, trois maisons après l’épicerie, dans la grand-rue,
– le presbytère, qui est sans doute la maison qui jouxte l’auberge,
– à Moulins, le comptoir d’escompte et le café de Paris, difficiles à situer aujourd’hui.
On traversait la grand-place en pente, bornée d’une part par l’église érigée sur le talus, de l’autre par l’étang Notre-Dame qui, ce matin-là, était d’un gris vénéneux.
L’auberge de Marie Tatin était à droite, la première maison du village. À gauche, c’était une allée bordée de chênes, et, tout au fond, la masse sombre du château.
L’Affaire Saint-Fiacre.
Cette époque de la vie de Simenon l’a suffisamment marqué pour qu’il en ressuscite des personnages dans différentes oeuvres.
Le marquis de Tracy devient de Tercy dans La Fiancée aux mains de glace (1932) et de Peralta dans Deuxième Bureau (1933), ou encore le prince de Bourbon dans Monsieur Gallet, décédé (1931).
Il garde de cette période une fascination pour la vie aristocratique… et la quitte, en revenant à Paris en 1924, avec la ferme décision de vivre de sa plume.
Tardivon, le régisseur du château de Paray, inspire des personnages identiques dans Les Larmes avant le bonheur, Les Mémoires de Maigret (1951) et, bien sûr, L’Affaire Saint-Fiacre.
Simenon vivait à l’époque entre le château (sa femme Tigy, non admise au château, logeant dans une chambre dans le village) et Nevers, où le compte possédait le journal Paris-Centre basé 3 rue du Chemin-de-fer. Simenon a écrit quelques contes pour Paris Centre. Plus tard, son roman Les Suicidés aura pour cadre Nevers, que l’on retrouve également dans d’autres romans.
il logeait dans un hôtel, 7 rue Creuse (plaque).
Petite bibliographie
Simenon. Pierre Assouline. Folio n°2797.
Détective de l’Histoire. Gilles Henry. V & O éditions.
L’Affaire Saint-Fiacre. Omnibus tome 17.