À déjeuner, Anne, Éléonore et notre ami Boas parlaient de Vanity Fair, le grand roman de Thackeray. Je disais : « À Bruxelles, pendant la bataille de Waterloo, on dansait, et à ce moment même, George, un des personnages, était étendu mort sur le champ de bataille… » « Oui, dit Boas, et il pleuvait. » La gloire, la vraie gloire littéraire, c’est cela, c’est que cent ans après la publication du livre, des hommes et des femmes se souviennent qu’il pleuvait sur le cadavre de George à Waterloo, pendant qu’on dansait à Bruxelles.
Julien Green, Journal, 17 mai 1960.
Pour trouver trace aujourd’hui du père de Barry Lindon et de La Foire aux vanités, on peut aller marcher dans la maison d’accueil de Charterhouse à Londres, entre Barbican et Smithfield Market (où Thackeray, né en 1811 à Calcutta et orphelin de père à trois ans, est élève entre 1822 et 1829, et où un condisciple lui casse le nez lors d’un match de boxe), à Trinity College (celui de Cambridge, pas d’Oxford ou de Dublin) et dans bien d’autres endroits, puisque Thackeray a été un grand voyageur.
Il a été aussi un journaliste, auteur de nouvelles et romancier prolifique. Plusieurs de ses romans font vivre les mêmes personnages, principe sur lequel Balzac et Zola feront reposer leur oeuvre. Mais Thackeray n’a pas l’ambition de peindre une époque, ni de délivrer un message social et optimiste comme son ami Dickens ou moral comme George Eliot. Un peu comme son modèle Henry Fielding, il est juste un sceptique ironique dont la cible préférée est l’hypocrisie et le snobisme. Ses personnages sont rarement des héros et les fins de ses romans sont rarement celles que l’on attend.
Enfant, il étudie entre 1817 et 1819 à Southampton dans la Polygon school créée par Rebecca et Alfred Arthur, située alors à Cumberland Place, puis dans la Walpole House School sur Chiswick Mall qui aurait inspiré l’école de Miss Pinkerton dans La Foire aux vanités.
D’autres de ses adresses sont :
– 1 Hare Court à Londres, lorsqu’il étudie le droit,
– rue de Chaillot et 1 rue des Beaux arts à Paris en 1835 ; après avoir dilapidé la fortune familiale de diverses manières et s’être essayé dans le dessin et la peinture, il se consacre au journalisme ; c’est à cette époque qu’il rencontre à Paris sa future femme, l’Irlandaise Isabella Shawe, qu’il épouse en 1836 à l’ambassade d’Angleterre,
– 15 bis rue Neuve St-Augustin à Paris en 1836,
– 18 Albion Street à Londres en 1837,
– 13 Great Coram Street en 1838,
– 27 Jermyn Street et 88 St-James’s Street en 1845,
– 16 Young Street à Kensington de 1846 à 1853,
– 36 Onslow Square entre 1853 et 1860, où il est voisin, à la même époque, de Robert FitzRoy, l’ancien capitaine du Beagle sur lequel Charles Darwin avait navigué 25 ans plus tôt (Darwin est né deux ans avant Thackeray),
– il visite plusieurs fois Tennyson dans sa maison de l’Isle de Wight,
– il décède en 1863 dans la magnifique bâtisse du 2 Kensington Palace Gardens (devenue l’ambassade d’Israël) dont Thackeray lui-même redessine les plans en 1860.
En 1842, l’écrivain effectue un périple de quatre mois en Irlande. Il fait étape en particulier au Shelbourne Hotel à Dublin, au Eccles Hotel à Glengarrif, au Kilroy’s Hotel à Galway, à Lismore en Irlande, où une plaque signale son séjour à Lismore House, Main Street.
Le château de Clevedon Court à Court Hill, Clevedon, a inspiré le Castlewood du roman Henry Esmond.
Sources :
William Makepeace Thackeray Chronology, de E. Harden.
George Williams, Guide to Literary London.