Le Sang des farines

Avec Le Sang des Farines, nous voici en mars-juin 1775. Un nouveau lieutenant général de police, M. Le Noir, a remplacé M. de Sartine, devenu secrétaire d’État à la Marine tout en gardant un œil attentif sur les affaires touchant à la sécurité du royaume (et sur les enquêtes de son protégé Nicolas Le Floch).

Nicolas est père d’un adolescent, Louis, qui vient de fuguer de son collège. La Satin, mère de Louis, vit à Londres, et Nicolas est amoureux d’une autre, Aimée d’Arranet. Il devient dans cet épisode marquis de Ranreuil, sa sœur Isabelle ayant pris le voile à l’abbaye de Fontevrault, cédé sa part d’héritage à son frère et étant intervenue auprès du maréchal de Richelieu pour que Nicolas soit reconnu marquis.
Il est envoyé à Vienne en compagnie du chevalier de Lastire, un des premiers « contre-espions » français, afin de découvrir comment les Autrichiens parviennent à être informés de secrets détenus par l’ambassade de France. Lorsque le jeune commissaire retrouve Paris, la capitale est troublée par des émeutes provoquées par les mauvaises récoltes de 1774 et la libéralisation du commerce des grains par Turgot, le nouveau contrôleur général.

Maître Mourut, boulanger et locataire de M. de Noblecourt, est retrouvé mort dans son pétrin, une plaie bizarre à la main. Dans la ville chauffée à blanc, il s’agit de découvrir au plus vite le ou les meurtrier(s).

Mme Mourut ainsi que les apprentis Parnaux, Friope et Denis Caminet sont suspects (décidément, les femmes que rencontre Nicolas sont souvent bien antipathiques – cf. L’Énigme des Blancs-manteaux ou Le Fantôme de la rue Royale !). Il apparaît bientôt que Caminet est le fils naturel de Mourut et qu’il est l’amant de Mme Mourut… et que Friope est une fille déguisée en garçon ! Mais l’enquête de Nicolas s’oriente vers des sphères plus élevées, proches du prince de Conti et d’autres personnages de haut rang. De fait, l’opacité des mécanismes du commerce des grains, entretenu par le pouvoir, favorise bien des enrichissements parmi les fermiers généraux, les intendants, les ministres et l’entourage du roi.

Le Noir, accusé de ne pas savoir mater les émeutes, est démis de ses fonctions par Louis XVI et remplacé par Albert, un proche de Turgot.
Une fois n’est pas coutume, la surprenante conclusion de l’enquête est rendue par Nicolas à l’hôtel de Saint-Florentin en présence de M. de Saint-Florentin (duc de la Vrillière, ministre du roi), de M. Le Noir et de M. de Sartine.

Mourut était en réalité membre d’un cercle de négociants en grain soupçonné de vouloir jouer sur le prix des farines. Il a autrefois dénoncé Hénéfiance, un marchand grainetier coupable de malversations. Envoyé aux galères puis au bagne de Brest d’où il s’est évadé pour se faire oublier aux Indes orientales, Hénéfiance a regagné enfin la France pour assouvir sa vengeance, parfois déguisé sous l’apparence d’un moine capucin. Il est parvenu à trouver des appuis haut placés auprès des opposants à Turgot… et des Autrichiens. Et cet Hénéfiance est, sous une autre apparence, un des personnages principaux de ce roman passionnant qui se clôt par le sacre de Louis XVI à Reims, le 11 juin 1775, qui succéde à son grand-père Louis XV.

Le donjon du château de Vincennes.
Le donjon du château de Vincennes.

– Turgot demeure rue Neuve-des-petits-champs (actuelle rue des Petits-Champs).

– Le bourreau et médecin Sanson, ami de Nicolas, habite rue Poissonnière.

– Le prince de Conti (qui, finalement, préfèrera éloigner ses relations compromettantes) habite au Temple. Aujourd’hui, le square du Temple occupe cet emplacement, et une plaque sur la mairie du IIIe arrondissement en garde le souvenir.

– Maître Delamanche, notaire de Mourut, a son office rue des Prouvaires, au coin de la rue des Deux-écus (aujourd’hui rue Berger). Il apprend à l’inspecteur Bourdeau que Caminet est le fils naturel de Mourut.

– La maison de la Gourdan, lieu de réunions des grainetiers, est située dans le roman rue des Deux-ponts-saint-Sauveur. Cette maison galante a réellement existé. «~Une entrée s’en ouvre dans l’actuelle rue Dussoubs, une autre se cache dans la boutique d’un antiquaire, 12 rue Saint-Sauveur[[Les Traversées de Paris, Alain Rustenholz, éd. Parigramme, page 253.]].~» La rue des Deux Portes Saint-Sauveur est devenue depuis une partie de la rue Dussoubs. Au n°23, une plaque présente l’hôtel occupé par Marguerite Gourdan entre 1774 et 1783 et qui est toujours debout. Carlo Goldoni décède au n°21 en 1793.

La rue Saint-Sauveur.
La rue Saint-Sauveur.

– Hénéfiance tenait boutique rue du Poirier avant d’être condamné pour malversations. Dans la maison qui lui fait face est élevée l’arme du crime (que nous vous laissons découvrir).

– Nicolas se rend au donjon de Vincennes pour, sur le conseil de Le Noir, interroger Le Prévôt de Beaumont, emprisonné depuis 1768 car il faisait courir des bruits au sujet de malversations au plus haut niveau pour spéculer sur le prix du grain.

– Nicolas se rend au siège de la Compagnie des Indes, à l’angle de la rue Vivienne et de la rue des Petits-champs, dans une ancienne dépendance du palais Mazarin. Il est à la recherche de renseignements sur le retour des Indes de Hénéfiance, boulanger suspecté d’être mêlé au meurtre de son confrère Mourut. L’archiviste de la Compagnie y est assassiné après le passage de Nicolas. Restif de la Bretonne a surpris l’assassin, un moine mystérieux, qui s’est enfui dans une voiture portant les armes du prince de Conti.

– Un mystérieux fiacre qui a suivi Nicolas trouve justement refuge dans une maison de la rue de Vendôme (aujourd’hui rue Béranger), non loin de l’enclos du Temple, propriété du prince de Conti. La maison est située en face du couvent des Filles-du-Sauveur, qui se trouve alors à l’emplacement du passage Vendôme. Pénétrant dans cette maison, Nicolas est agressé par le mystérieux moine déjà rencontré. Il parvient à s’en débarrasser mais un nouvel adversaire s’attaque à lui. C’est cette fois Naganda, son ami indien Mic-mac (apparu dans Le fantôme de la rue Royale) qui vient à son secours.

– Après l’heureuse conclusion de l’enquête, Nicolas et ses amis festoient comme à leur habitude au Tambour royal, l’auberge du célèbre Ramponneau, située face à la barrière Blanche, à l’emplacement actuel de la place Blanche.

4 Comments

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  1. 1
    Philippe BOISSEAU

    Le Sang des farines
    Bravo pour cet article qui m’a donné grande envie de lire la suite des aventures de Nicolas Le Floch.

    Je suis étonné, par contre, de la localisation que vous faites du « Tambour Royal » à la Barrière Blanche, c’est-à-dire place Blanche, car on le situe habituellement (Jacques Hillairet entre autres) dans le faubourg du Temple, du 1 au 5 rue l’Orillon, à l’angle de la rue St Maur ; le nom de son propriétaire s’orthographiant plutôt « Ramponeaux ». C’est dans ce cabaret célèbre, créé en 1715 par un certain Ruelle, et qui s’était d’abord appelé « des Marronniers », que Beaumarchais situe le rendez-vous donné par Suzanne au comte Almaviva dans son « Mariage de Figaro ». Transformé en « Tambour Royal » en 1758 par Jean Ramponeaux, il devint fameux pour le prix modique de la pinthe de guinguet qu’on y vendait à flots.
    Ramponeaux, personnage haut en couleurs et quelque peu mégalomane, eut un procès retentissant dont se mêla Voltaire. Son établissement était si réputé que le verbe « ramponner » devint synonyme de faire la fête et qu’il donna son nom (déformé en Ramponeau) à une rue de Belleville. J’ignore, par contre, le lien avec le mot d’argot « ramponneau » qui signifie « coup de poing ». En 1760, le père laissa le Tambour Royal à son fils et alla s’installer aux Porcherons, dont il donna le nom à son nouvle établissement, à l’emplacement de l’actuel square de la Trinité.
    Mais il est tout à fait possible qu’il ait éxisté un autre cabaret du même nom ; auquel cas vos sources m’intéresseraient énormément.
    Bien cordialement.

    Philippe BOISSEAU

    • 2
      Terresdecrivains.com

      Le Sang des farines
      Bonjour Philippe,

      je pense que votre oeil de lynx a encore frappé… Ce que je situe place Blanche doit plutôt l’être, comme vous l’indiquez, square de la Trinité. Je cite cependant l’extrait du Nouveau Paris d’Emile de la Bédollière (1860, réédité par SACELP en 1986 avec des illustrations de Gustave Doré, page 139) : « Jean Ramponneau, le fameux cabaretier, était un débitant de la Courtille, qui vint, vers 1760, s’établir aux Porcherons, en face de la barrière Blanche. » J’ai du encore me tromper de barrière…
      A la prochaine barrière 😉
      JC

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