Le manoir de l’Abbaye ou Châteaupauvre date de la fin du XVIIIe siècle. Il devient la propriété de la famille Féval au milieu des années 1840.
Le romancier y conçoit plusieurs romans. Il a également écrit Châteaupauvre – Voyage Au Dernier Pays Breton, dont voici des extraits :
Vers la fin de l’automne, en l’année 1849, mon frère Edmond, qui revenait de l’île Maurice, eut l’idée d’acheter un petit domaine dans le département des Côtes-du-Nord. On lui indiqua comme étant à vendre un héritage de moyenne étendue qui avait un drôle de nom, Chateaupauvre, et qui était situé dans la paroisse de Saint-Juhel, sur la route de Pontivy à Saint-Brieuc.
C’était dit ainsi, du moins dans les pancartes envoyées par le notaire. Mon frère, malade et fatigué d’une longue traversée, prit tous les renseignements voulus par correspondance, et acheta sans avoir visité. Je veux dire tout de suite qu’il n’eut point à s’en repentir : c’était une fort bonne affaire, qui est devenue excellente avec le temps. Tout était sincère et véritable dans l’énoncé de l’affiche, excepté ces deux mots : « Sur la route. »
[…]
Nous longions de grands bâtiments qui bordaient le chemin. […] Au bout du dernier bâtiment de la ferme, venait une aire à battre, et de l’autre côté de l’aire une maison assez étendue en longueur, mais élevée d’un seul étage et dont les murs, que la lune éclairait très vivement, étaient noirs et blancs comme le plumage des pies, tant le crépi à la chaux qui marquait l’entourage des pierres tranchait avec violence sur le vieux granit. On entrait là tout de go par une petite cour verte, entourée d’un mur d’appui qui avait une brèche.
Mazette ! dit mon frère sans trop de désappointement, car il n’avait jamais eu la pensée de résider, je ne m’attendais pas à un palais, mais c’est une grange que cette masure-là !
[…]
Mes yeux firent le tour de la cour verte […] Et je me repris à regarder la maison toute quadrillée de blanc sur noir. Il y avait un énorme rosier à mille feuilles qui montait jusqu’au toit, laissant pendre par milliers ses bouquets de petites roses : de celles qu’on nomme roses-thé à cause de leur pâleur.
Et il y avait aux deux bouts de la pauvre façade, – car plus on examinait, plus c’était pauvre, malgré le cadran solaire, l’écusson et le crucifix, – il y avait, dis-je, deux grosses touffes d’hortensias, dont la couleur naturelle s’était teintée d’azur à cause de leur vieillesse.
Je voulus cueillir une rose, mais elles étaient trop haut-pendues, et comme ce désir m’avait rapproché de l’une des portes, je pesai sans trop y songer sur la targette qui se rencontra sous ma main.
La porte s’ouvrit, je ne m’y attendais pas […]
Je me trouvais tout d’un coup dans une grande cuisine, éclairée par une chandelle de résine, longue et mince comme une ficelle, qui avait pour chandelier un brin de bois fendu, planté dans le mur de la cheminée.
J’éprouvais une gêne. Ma première impression, irréfléchie, mais très vive, fut la crainte d’avoir été indiscret. En somme, il y a toujours une tristesse dans ce fait d’une vieille demeure qui change de maître. C’est comme un corps qui feraient le troc de son âme. Je m’arrêtais, indécis, sur le seuil.
La revue ArMen n°35 (1991) comporte un article intitulé « Paul Féval en pays Gallo » qui cite des extraits de Châteaupauvre – Voyage Au Dernier Pays Breton et montre des photos de l’extérieur et de l’intérieur du manoir.
Châteaupauvre a été réédité par les éditions Yves Salmon à Loudéac en 1982.