Extraits de Artaud, Bataille, Céline, auteurs célèbres à Saint-Germain-en-Laye, de Bernard Goarvot, Editions Hybride 2003 :
« Vous êtes à la Terrasse de Saint-Germain, au Pavillon Henri IV, par exemple, près du Pavillon Royal, sur le parterre,
en 1935-6 lorsque Céline y écrivit Mort à Crédit.
Droit devant vous, le quartier de la Défense, où n’existe plus la rampe du Pont : Louis-Ferdinand Destouches y naquit le 27 mai 1894 (enregistré à l’Etat-Civil le 28 mai : « né hier à 4 heures du soir »), de Ferdinand Auguste Destouches et
Marguerite-Louise Céline Destouches. Sa grand-mère se nomme Céline Guillou, née Lesjean.(…)
(…) Entrez à droite, et, toujours au Pavillon Royal, vous observez la chambre natale de Louis Dieudonné, dit XIV, dit Roi Soleil… Fleurs de lys sur fond bleu de roy… revoyons la signature du roy, volute, spirale, hélice, qui aimait à gagner Saint-Germain par la Seine, mené par des galériens de Rouen. Le jeune Céline connaît bien la région :
« On lui avait dit à ma mère, qu’elle pourrait
tout de suite essayer sa chance au marché du Pecq et
même à celui de Saint-Germain, que c’était le moment
où jamais à cause de la vogue récente, que les gens
riches s’installaient partout dans les villas du
coteau…qu’ils aimeraient ses dentelles pour leurs
rideaux dans les chambres, les dessus de lit, les jolis
brise-bise… C’était l’époque opportune. »
Mort à Crédit, p. 365 (Denoël et Steele, 1936).
« Chère Bonne N…
Voici longtemps que je n’ai rien reçu de vous ?
Je suis à présent à Saint Germain à cause de l’air. Je n’y
tenais plus à Paris ! Je vais seulement en ville pour mon
travail (…) » (98 R(ue) Lepic )
(…) Le Docteur a accouché de son anti-sémitisme virulent et délirant. Lui qui avait accepté les coupes de la censure dans Mort à Crédit – voir en annexe un exemple d’auto-censure – tombe sous le coup de la Loi (le décret Marchandeau), doit polémiquer, démissionner du dispensaire, etc.(…)
(…) Et voici que Céline songe à ouvrir un cabinet médical, comme au 36 rue d’Alsace à Clichy. Il est de retour à Saint-Germain.(…)
(…) Lettre à Evelyne Pollet, 2 juin 1939 : « Chère Amie,
Je reprends la médecine active. Je vais faire des
« remplacements » cet été en Bretagne et en Normandie. Cet automne je me case à St Germain, près de Paris. Ainsi va la vie, tout médiocrement – bien heureux encore d’échapper aux suprêmes catastrophes qui vous font tomber l’outil des
mains, et vous laissent complètement désarmé. (…) Enfin
un hiver chargé – une corrida sans appel – la meute. Tout
ceci est dans le jeu, dans mon destin, je suppose (…) que
ferais-je au dehors ? La vie civilisée est devenue fort triste.
C’est un accablement funèbre, de tout et de tous. L’homme
sérieux doit être un croque-mort ou un mort tout court. Il
n’y a plus de joie que dans le vice, forcément – puisque tout est devenu vice- tout est défendu .
A vous b(ien) amic(ale) »
(…) Nous retrouvons Céline à Saint-Germain, à
l’automne 1939. Sans doute, au-delà de ses ennuis, n’oublie-t-il pas sa « prophétie » du 17 février 1934 : « Il se passe ici des choses assez tragiques.
Tout cela finira comme vous savez dans cinq ou six ans – l’union européenne se fera dans le sang. »
Au 15 rue Bellevue, aujourd’hui rue de Bellevue, le Docteur D., peut-être flanqué de son double démoniaque Mister C., installe un modeste cabinet médical : DOCTEUR LOUIS DESTOUCHES, Lauréat de la Faculté de Médecine de Paris, réformé. Médaille Militaire. MEDECINE GENERALE, 15. RUE DE BELLEVUE, SAINT-GERMAIN-EN-LAYE.
CONSULTATIONS TOUS LES
JOURS DE 1H. à 3H. TELEPHONE : 14 20.
De sa main, Céline , sur sa carte de visite, ajoute « rue Félicien David », histoire d’orienter la clientèle dans cette impasse, proche de cette calme et courbe rue, où, s’il était demeuré saint-germanois, Céline aurait eu pour voisin le maréchal von Rundstedt : le bunker existe encore, à peu près intact
Toujours dans l’idée de placer ses droits d’auteur, Céline avait acheté un appartement situé 1 rue Claude Debussy, à Saint-Germain : « Tout moderne », avec salle de bains. « Il domine la forêt », ainsi le décrit-il à l’un de ses avocats, Me Albert Naud. 5e étage-gauche, angle, comme rue Girardon à Paris, un rare don en effet pour les visions panoramiques (on peut voir les bombardements partout, à 360 °) et le goût de la hauteur. Il n’habitera pas cet appartement, qu’il propose en guise d’honoraires. Il semble qu’il le laissera à ses beaux-parents Almanzor (…) »
Article présenté par Christian Besse-Saige, www.editionshybride.com.