V. H. à Auguste Vacquerie, le 8 décembre 1861
« J’ai travaillé pour la première fois dans le cristal-room, quoiqu’il soit loin d’être fini. »
V. H., le 2 avril 1862.
Entre 1856 et 1870, c’est là qu’Hugo vit au-dessus des océans.
Le coup d’Etat de Napoléon III l’a chassé à Bruxelles, puis à Jersey, où les Hugo habitent entre 1852 et 1855, d’abord à l’hôtel de la Pomme d’Or qui existe toujours à Saint-Hélier, puis dans la maison de Marine terrace, disparue depuis.
Parce qu’il se solidarise des proscrits qui protestent contre la visite de la reine Victoria à l’empereur, il est chassé à nouveau de Jersey, et arrive le 31 octobre 1855 à Guernesey.
Il loge à l’hôtel de l’Europe, puis 20 Hauteville Street. Pour ne plus être expulsé (la loi anglaise protégeant les propriétaires d’une expulsion), il achète rapidement (en mai 56, avec le fruit des Contemplations, publiées un mois plus tôt) Hauteville House, une grande maison construite cinquante ans plus tôt par un corsaire anglais.
Il va aménager pièce par pièce cette demeure que les Hugo occupent à partir du 17 octobre. Son goût romantico-baroque explose en tapisseries, boiseries et faïences. Il glane sur l’île des meubles français, espagnols, italiens, qu’il démonte et recompose souvent lui-même.Au troisième étage, il fait construire fin 61-début 62 une cage de cristal de trois mètres sur deux, dominant la ville, tournée vers la mer, Jersey et la France.
La nuit, il préfère l’inconfort de la petite chambre voisine au confort des étages inférieurs. En cas d’illumination nocturne, le papier et la plume du « cristal room » ne sont pas loin…
Ensuite, après une douche froide dès six heures du matin, il écrit debout, appuyé sur une tablette, William Shakespeare, L’homme qui rit, Les châtiments, Les chansons des rues et des bois, Théâtre en liberté et Les travailleurs de la mer, et termine, une bonne quinzaine d’année après leur premiers mots, Les Misérables.
Dans Hauteville Street à gauche, avec une double porte ronde, se trouvait la maison – devenue « Friends’ home » – occupée par Juliette Drouet, fidèle amante du poète depuis 1833, qu’il pouvait saluer de son « look out ».
Le 15 août 1870, Hugo quitte Guernesey pour Bruxelles afin de se rapprocher des derniers moments de l’Empire.
Il revient sur l’île pendant un an en 1872 et y écrit Quatre-vingt-treize.
Il y passe un dernier été de convalescence en 1878.
Autres demeures de l’auteur
Le père des Misérables a vécu un peu partout en France, et en particulier à Paris, Bièvres, Villequier.
Pour visiter le lieu
Hauteville House, propriété de la Ville de Paris en terre britannique, est ouverte au public tous les jours (sauf dimanches et jours fériés locaux : 4 avril, 2, 6 et 30 mai, 29 août) de 10h à 11h30 et de 14h à 16h30, du 1er avril au 30 septembre. Les visites sont guidées.
On peut y voir un « fauteuil des ancêtres » dessiné par Hugo, et que les habitants de l’île prétendent hanté. La restauration du « look-out » a commencé en 1998.
Hauteville House, 38 Hauteville, Saint-Peter Port, Guernesey GY1 1DG -Iles anglo-normandes. Tel. : 00 441 481 72 19 11, fax : 00 441 481 71 59 13.
Watch house, la cabane du guetteur que l’on retrouve dans Les Travailleurs de la mer, se trouve au sud de l’île, au-dessus de la falaise de Gull Rock. La maison de Villequier présente une collection de photos de Jersey et Guernesey.
À voir aux alentours
Quelques normands proches de Jersey et Guernesey :
– Barbey d’Aurevilly à Saint-Sauveur-le-Vicomte,
– Alexis de Tocqueville à Tocqueville,
– Jacques Prévert à Omonville-la-Petite,
– Boris Vian à Landemer,
– Didier Decoin quelque part dans la Hague,
– Rémy de Gourmont à Coutances,
– Octave Feuillet à Saint-Lô,
– Erik Orsenna quelque part dans le Cotentin…
Petite bibliographie
Victor Hugo aux îles de l’exil. Article de Paul-Emile Cadilhac dans Demeures inspirées et sites romanesques, tome I, éditions de l’Illustration.
1997-1998 : la restauration du troisième étage de Hauteville House. Article de Sophie Grossiord dans le Bulletin des conservateurs et des personnels scientifiques de la Ville de Paris, n°2, collections parisiennes, deuxième trimestre 1998.
Lire aussi la description fascinante de Georges Poisson dans le Guide des maisons d’hommes célèbres, éditions Horay.
Victor Hugo, « Et s’il n’en restait qu’un… ». Sophie Grossiord. Découvertes Gallimard n°341.