Homme singulier que Saint-John Perse, se cachant derrière divers pseudonymes[[Pseudonymes comme Saint Leger Leger en trois mots ou Saintleger Leger en deux, ou St L. Leger, et enfin Saint-John Perse à partir d’Anabase en 1924, recueil qui fut lui même signé un temps « St-J. Perse ».]].
Grand diplomate qui a, sous la Troisième République, durablement influencé la diplomatie française ; auteur d’une œuvre poétique qui, entre symbolisme et lyrisme, a marqué la composition poétique moderne. Homme double donc, même si officiellement son pseudonyme a pour rôle de séparer sa mission diplomatique de sa vocation poétique.
Alexis Leger naît le 31 mai 1887 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Fils d’Édouard Leger, avocat, et de Marie Pauline Dormoy, issue d’une famille de planteurs, Marie René Auguste Alexis passe son enfance à Pointe-à-Pitre jusqu’en 1899.
Son enfance s’écoule à la Guadeloupe, une enfance heureuse d’abord dans l’îlet familial de Saint-Léger-les-feuilles, dans la petite ville voisine dans la rue des abymes puis dans les plantations de ses grands-parents : du côté maternel, l’Habitation du bois-debout sur la côte de Capesterre[[Plantation de cannes à sucre face aux îles des Saintes et de Marie-Galante, près de l’anse de Sainte-Marie où Christophe Collomb débarqua lors de son deuxième voyage.]] et du côté paternel l’Habitation de La Joséphine en souvenir de l’ancienne impératrice.[[Plantation de caféiers et de cacaoyers sur les hauteurs de Matouba au pied du volcan de La Soufrière.]] Vers ses 11 ans, il est influencé par un ami de ses parents le RP Duss, grand botaniste qui l’initie à l’importance du langage, à ses nuances, lui parlant du nom savant et « vulgaire » des plantes, des noms si évocateurs, d’une puissance poétique si extraordinaire qui frappe l’imagination du futur poète.
Puis la famille s’installe à Pau dans les Pyrénées atlantiques, où Alexis suit ses études au lycée Louis-Barthou puis à Bordeaux en 1904.
C’est le poète Francis Jammes, « l’ermite d’Orthez » qu’il rencontre à Pau, qui va l’influencer et le mettre en relations avec Paul Claudel, André Gide et les écrivains de la NRF. Il publie alors ses premiers poèmes à La Nouvelle Revue Française en 1911 puis, en 1925, son recueil le plus célèbre, Anabase, s’abstenant après de toute publication pendant toute sa carrière de diplomate.
Son œuvre ne comprend guère de « je », de « moi », aucun égo, il ne parle pas directement de lui-même. Pourtant, ses principaux recueils de poèmes sont, dans leur essence, liés à sa biographie. L’exubérance d’Éloge rappelle les paysages antillais, « ô mes plus grandes fleurs voraces, parmi la feuille rouge, à dévorer tous mes plus beaux insectes verts !… les fleurs s’achevaient en des cris de perruche […] ô joie inexplicable sinon par la lumière. »
Il passe le concours des Affaires étrangères en 1914 et pendant cinq ans, de 1916 à 1921, nommé secrétaire d’ambassade à Pékin, il change radicalement d’univers. Il en profite pour voyager en Extrême-Orient, à travers la Chine, la Mongolie, en Asie centrale et jusqu’au Japon. C’est au retour d’un de ses voyages qui l’a conduit dans le désert de Gobi qu’il entreprend d’écrire Anabase, son œuvre la plus connue. Pour écrire, il dispose d’un calme absolu, un ancien temple taoïste dans les collines au nord-ouest de Pékin. À cette époque, il visite aussi l’archipel malais puis s’engage dans une croisière en voilier dans la Polynésie.
La puissance des éléments, le soulèvement des forces de la nature impriment son rythme à Vents. Le désespoir de quitter son pays et de devoir émigrer aux Etats-Unis après les décrets de Vichy le frappant, lui l’ancien ambassadeur de France, de déchéance et de radiation de sa nationalité, de confiscation de ses biens et de radiation de sa légion d’honneur, et sa solitude transparaissent dans son recueil Exil. On peut suivre son parcours à travers des photos, sur un bateau en partance pour l’exil américain en 1940, à Long Beach Island, « le lieu flagrant et nul » où il écrit Exil en 1941 et à Hundred Acre Island en 1945.
Le diplomate fera une brillante carrière qui sera comme une longue mise en veille de sa vocation de poète : secrétaire de la légation française de Pékin de 1916 à 1921, directeur du cabinet d’Aristide Briand en 1925[[Il est l’un des principaux auteurs des Accords de Locarno en octobre 1925.]] et enfin secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, avec rang d’ambassadeur de 1933 à 1940.[[Il a joué un rôle important lors de la conférence de Stresa en 1935 et, conservant ce poste pendant huit ans, il a assuré la continuité de la diplomatie française face aux aléas politiques.]] En juin 1940, Paul Reynaud le démet brutalement de ses fonctions et Leger en est si blessé qu’il refuse toute nouvelle affectation puis choisit l’exil aux États-Unis.
Profondément anti-gaulliste, il refuse toute collaboration avec son mouvement, travaille à la Bibliothèque du Congrès à Washington et dit-on, est très écouté par le président Roosevelt.
Dès lors, il va s’établir aux États-Unis, Il se marie avec une Américaine, Dorothy Russel, dédicataire de Poème à l’étrangère, qui a vingt ans de moins que lui et qu’il appelle « Dot » ou « Diane ». Le prix Nobel qui lui est attribué en 1960. Il le doit en partie à l’action de ses amis américains et à Dag Hammarskjöld, le secrétaire général de l’ONU qui contribuent à faire connaître son œuvre à travers le monde.
A partir de 1957, il revient en France pour faire de longs séjours sur la presqu’île de Giens où certains de ses amis américains ont mis à sa disposition une propriété, « Les Vigneaux ». C’est là-bas, à Giens, qu’il décède le 20 septembre 1975 et qu’il repose depuis.
Broussas Christian (broussas.christian at orange.fr)
Bibliographie
Ouvrages de Saint-John Perse
– Éloge, première édition NRF Marcel Rivière, 1910, deuxième édition, NRF, 1925, troisième édition, 1948
– Anabase, éditions Gallimard, 1924, rééditions 1926, 1947, 1948 avec les préfaces de Valéry Larbaud, Hugo von Hofmannsthal, TS Elliot et Giuseppe Ungaretti
– Exil : Exil, Pluies, Neiges, Poème à l’étrangère, Cahiers du sud, 1942, Gallimard 1946
– Vents, NRF, Gallimard 1946
– Amers,Et vous mers, Midi, ses fauves, ses famines, Cahiers de la pléiade, 1950
– L’ordre des oiseaux (1962), réédité en 1963 sous le titre Oiseaux
– Pour Dante (1965)
– Chant pour un équinoxe (1971)
– Nocturne (1973)
– Sécheresse (1974)
Ouvrages sur Saint-John Perse
– Hommage à Saint-John Perse, Les cahiers de la pléiades, n° X, été-automne 1950
– Maurice Saillet, Saint-John Perse poète de gloire, Mercure de France, 1952
– Alain Bosquet, Saint-John Perse, éditions Pierre Seghers, 1953, 1ère édition
– Roger Caillois, Poétique de Saint-John Perse, éditions Gallimard, 1954
– Pierre Guerre, Saint-John perse et l’homme, 2ditions Gallimard, 1955
– Jean-Marc Tixier, Saint-John Perse à Giens, éditions Images En manœuvre, mars 2006, isbn 2849950459
– Renaud Meltz, Alexis Leger dit Saint-John Perse, Flammarion, 850 pages
Sur Internet
– St John île en île
– Témoignage de Jean Dutourd