Discours à la Chambre des députés, 15 février 1842.
C’est bien simple : sans lui, il n’y aurait sans doute pas eu de seconde République en 1848. Il la défend devant les députés, les insurgés et les royalistes alors que, après les journées d’émeutes parisiennes de février, on semblait reparti pour ce qui s’était produit en juillet 1830 : un nouveau régime monarchique, avec juste un peu plus de représentation populaire. Mais aux yeux de Lamartine, cela aurait été la porte ouverte à une insurrection socialiste.
Si Lamartine réussit ce coup de maître, il le doit à une aura politique lentement mais brillamment gagnée depuis son élection comme député en 1833, aura qui lui permet de faire le grand écart entre les socialistes, qu’il tient à distance, et les royalistes.
Il démarre sa carrière politique sous les auspices du roi, comme attaché d’ambassade à Naples en 1820 puis deuxième secrétaire à l’ambassade de Florence entre 1825 et 1828 (habitant alors dans une maison 134 via dei Serragli). Il devient académicien en 1830, à quarante ans. Lors de la révolution de Juillet, il a le même réflexe que Chateaubriand : fidélité aux Bourbons, dégoût du régime de Charles X qui s’achève dans la déconfiture, et résignation devant l’arrivée au pouvoir de Louis-Philippe, pis-aller qui fait rempart à une République encore terrifiante.
Il se présente aux élections législatives de 1831 et échoue de peu. Il écrit cette année-là Sur la politique rationnelle, qui prône la liberté de la presse, l’enseignement libre, le suffrage universel… et qui passe inaperçu. Il entreprend un voyage longtemps rêvé en Orient, où il perd sa fille (un premier enfant était déjà décédé) et entreprend d’écrire Jocelyn.
En 1833, le voilà élu député, ni royaliste, ni libéral, ni socialiste : au milieu – ou, mieux, au-dessus – de tout cela. Ses débuts d’orateur sont pénibles. Il est à la Chambre comme… un poète qui lit ses œuvres. Lorsqu’il se résoud à laisser ses papiers pour improviser, il gagne en éloquence. Sa haute taille, sa voix qui porte, son visage fin impressionnent et il devient à la fin des années 1830 la vedette de l’assemblée. C’est lui qui lâche en 1838 : « La France s’ennuie ». Contre la peine de mort, pour des mesures sociales, contre la guerre, ses positions irritent Louis-Philippe autant que les libéraux. En 1840, Lamartine refuse d’être ministre de Guizot (que la révolution de 1848 balaiera). Le début des années 1840 clarifie les choses : Lamartine est républicain, même s’il reste indépendant des partis. Son Histoire des Girondins explique que, si l’idée républicaine s’est brisée sur la violence des années post-révolutionnaire de 1789 et de la Terreur, elle peut et doit renaître dans la fraternité.
Reste que, en politique comme ailleurs, il connaît des bas d’autant plus douloureux que les hauts étaient vraiment hauts.
En économie familiale tout d’abord : piètre exploitant viticole et propriétaire terrien croulant sous le poids des charges et des châteaux à entretenir, il termine sa vie ruiné, à payer ses dettes en écrivant sa grande Histoire des Girondins, attaquée en 1843 et publiée en 1847, son succès le devant plus à sa beauté qu’à son exactitude historique. En poésie ensuite, où il est entré avec éclat avec ses royalistes et catholiques Méditations poétiques en 1820, où il survit encore avec le succès de Jocelyn en 1836, et où il échoue avec l’échec de La Chute d’un ange en 1838.
En politique enfin où, héraut de la République et du suffrage universel en février 1848, il est mis à l’écart après les nouvelles émeutes de juin, et après quelques semaines en tant que ministre des Affaires étrangères perdant peu à peu son crédit par trop de prudence à l’extérieur et trop peu de résistance face aux notables et aux conservateurs à l’intérieur. Il a sans doute commis l’erreur de ne pas prendre sa retraite politique fin 1848. Ses adversaires et la presse ne manquent pas de s’acharner sur lui. Mais il veut rester sur le devant de la scène, en grande partie pour continuer à vendre son théâtre, sa prose et sa poésie, uniques moyens de survivre à ses désastres financiers.
Ses principales adresses parisiennes :
– 34 rue Saint-Augustin, dans l’hôtel du duc de Richelieu, en 1819,
– 16 rue Saint-Guillaume, en 1836,
– entre 1837 et 1853, 82 rue de l’Université, dans le bel immeuble que l’on voit encore aujourd’hui, où il reçoit ses collègues députés ainsi que ses électeurs, et où il est acclamé par le peuple parisien en 1848 (plaque),
– 4 rue de Tournon, dans l’hôtel de Montmorency, en 1848,
– Rue de la Ville-l’Evêque (devenue rue Cambacérès) à partir de 1853.
Petite bibliographie
Les Voix de la liberté. Michel Winock, Seuil, 2000.