Pour le lancement de la version 2 de www.terresdecrivains.com, Michel nous adressait cette photo et ce texte en 1999.
Cette photo ne représente pas mon lieu d’écriture de prédilection, mais un Hôtel-Pub de Barnham (bled du West Sussex / G.B.), théâtre de certaines scènes de mon prochain roman (Polar du Routard, Hachette, mars 2000) intitulé Sussex and Sun. J’y ai bien évidemment éclusé quelques bitters.
Le texte proposé en regard n’a rien à voir avec ce cliché.
La Danse des odeurs est une évocation de l’Afrique du Nord où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 18 ans (thème d’un recueil de nouvelles à paraître très bientôt aux Belles Lettres, collection le Cabinet Noir).
ML. 9/12/99.
La danse des odeurs
La première chose qui vous assaille en posant le pied sur n’importe quel aéroport d’Afrique du Nord, outre la luminosité éblouissante des cieux distendus, c’est l’odeur. L’odeur de la terre chauffée à blanc. Terre cuite et recuite, qui s’évapore en poussière, varappant en nuées invisibles.
Quittez les plages de bitume pour aéronefs et traversez les mers de sable, les lacs de pierre, goûtez l’odeur du caillou délavé par la brûlure du soleil. Le ciel tout entier embrase la plaine. Accouplement silencieux. L’air frétille. Les narines s’assèchent. Un nuage jette une ombre immobile. Courez vers elle ; elle disparaît. Un homme, assis en amazone sur un âne trottine au loin. D’un point invisible à un autre. Il vous regarde. Vous ignore. Transporte un fagot de bois mort. Un sabot de son âne écrase sans la voir une fourmi charriant sa pitance à l’autre bout du monde. L’air se nourrit de l’odeur âcre de la fourmi écrasée.
Vous fuyez vers la nuit qui se cache trop bien. Traversez des oasis aux sources paisibles, dont le clapotis inonde vos oreilles, et qui mettent à jour le parfum des entrailles tièdes de ces terres blessées. Enjambez des océans de rizière, des forêts de plantations. Un train se meut avec lenteur, comme la chenille sur le ventre de la feuille, il vous montre le chemin.
Et vous trouvez la ville.
Laissez-vous guider jusqu’à son cur, ses souks. Respirez l’odeur des figues éclatées, des pastèques dégoulinantes, des dattes poisseuses. Laissez progressivement les cuirs prendre le dessus. Peaux de biquettes écartelées, tannées. Plongez dans le quartier des épices. Toutes les couleurs sous vos yeux, mais dans vos narines, un pot-pourri enivrant de poivre et de cannelle, de cumin et de safran. Faites un tour par les artisans du bois : hêtre, merisier, cèdre, eucalyptus. Chaque outil qui pénètre dans la chair vivante viole l’intimité odorante de l’arbre.
Tout cela vous met en appétit et c’est le mouton qui grille en projetant des flammèches graisseuses dans l’obscurité qui vous attire.
La fraîcheur de la menthe qui infuse dans le thé vous fera croire qu’il fait presque frais.
Vous rêverez alors sous le grand chapiteau étoilé à toutes ces fragrances qui ont bercé cette journée et parfumeront vos rêves.
© Michel LEYDIER pour Terres d’écrivains, 1999.
Bibliographie (extraits) :
Sussex and sun – Hachette / coll. Le Polar du Routard – mars 2000
Le dernier car – Les Belles Lettres / coll. Le Cabinet Noir – mars 2000
Rockers dans le collimateur – Hachette Jeunesse / coll. Vertige Policier – janv. 2000
Dutronc – Librio Musique – 1999
Quand la haine sera morte – Flammarion – 1999
J’ai pas triché – Hachette Jeunesse / coll. Éclipse – 1998
La Sposata – Baleine / coll. Tourisme et Polar – 1998
Le Grand plongeon – Hachette Jeunesse / coll. Vertige Policier – 1998
Noires américaines – La Loupiote / coll. Tamanoir – 1997
Sacrifice – La Loupiote / coll. Zèbres – 1997.
Et ne manquez pas de faire un détour par son site à http://leydier.free.fr !