Quelques heures de promenades sur les traces des amours littéraires dans la capitale :
1) Au 3ème étage du 5 rue Payenne (certains prétendent au 7) vit et meurt en 1846 Clotilde de Vaux, muse et inspiratrice d’Auguste Comte à partir de 1844. Un amour-adoration extrême, qui inspire carrément au philosophe une religion dont le 5 rue Payenne est encore aujourd’hui le temple.
L’appartement de Comte, 10 rue Monsieur-le-Prince, peut être visité sur demande au 01 43 26 08 56. En souvenir de Clotilde, le philosophe a souhaité qu’il soit préservé après sa mort.
2) Juliette Drouet vit au premier étage du 50 rue des Tournelles de fin 1834 à mars 1836. Elle a rencontré Hugo en février 1833. En août 1834, elle avait quitté son logement du 35 rue de l’Echiquier pour emménager 4 rue de Paradis-au-Marais (une rue qui existait entre la rue Vieille-du-Temple et la rue des Archives, au niveau de la rue des Francs-Bourgeois). En mars 1836, elle s’installe non loin 14 rue Sainte-Anastase, avant de migrer pour le 12 en 1845. Dans toutes ces demeures, elle n’est jamais très loin de son « toto », qui vient la retrouver le soir après le spectacle.
3) Baudelaire habite avec son égérie Jeanne Duval dans le Grand Hôtel de Charny, 22 rue Beautreillis, en 1858 après un séjour chez sa mère à Honfleur.
4) Membre avec Baudelaire du club des Haschichins, membre fidèle du salon de l’Arsenal 1-3 rue de Sully, auteur dramatique prolixe mais plus connu pour le sonnet que lui inspire Marie Nodier, fille au beau sourire et aux beaux yeux noir du « patron » de l’Arsenal : « Mon âme a son secret, ma vie a son mystère,… », Félix Arvers est né 12 quai d’Orléans en 1806 (plaque).
5) Au début des années 1840, Jeanne Duval habite 6 rue Le Regrattier. Elle a rencontré Baudelaire en 1842 et leur liaison dure des années. Entre 1842 et 1845, le poète vit également sur l’ile Saint-Louis : 22 quai de Béthune (plaque) et 15 puis 17 quai d’Anjou, dans l’hôtel de Lauzun devenu de Pimodan
6) Traversons la Seine et les époques. En 1118, Abélard a trente-neuf ans. Il enseigne la rhétorique et la dialectique au cloître Notre-Dame et habite chez le chanoine Fulbert. Celui-ci lui demande d’éduquer sa nièce de 17 ans, Héloïse. L’amour remplace bientôt la relation de maître à élève, et les deux amants s’enfuient en Bretagne. Héloïse donne naissance à un garçon, Pierre-Astrolabe. Ils reviennent à Paris. Les cours d’Abélard suscitent rapidement la jalousie de ses confrères. Fulbert le fait châtrer. Abélard se retire ensuite à l’abbaye de Saint-Denis (puis, plus tard, à l’abbaye de Cluny), et Héloise à Argenteuil. Ils ne cessent de s’écrire jusqu’à leur mort (1142 pour Abélard, 1164 pour Héloise, qui rejoint Abélard dans le même cercueil). Ils reposent maintenant au cimetière du père Lachaise.
La maison du chanoine est signalée au 9 quai aux Fleurs. Elle a été reconstruite en 1849 et s’étend jusqu’au 10 rue Chanoinesse.
7) Les pas de Nadja et d’André Breton les mènent jusqu’à la place Dauphine, où leur horizon commence à s’assombrir. Au passage, nous aurons eu une pensée pour le film Les Amants du Pont-Neuf dont le décor original autour du Pont-Neuf a été entièrement reconstitué… en Camargue.
8) La prison du Petit-Châtelet, dans laquelle atterrissent le chevalier Des Grieux et Manon Lescaut, surplombait au 18ème siècle le Petit pont.
9) Aurore Dudevant, future George Sand, habite 21 quai des Grands-Augustins puis 25 – actuel 29 – quai Saint-Michel (au 5e étage), avec Jules Sandeau, en 1831-32. Ils écrivent à quatre mains en signant J. Sand. De sa fenêtre du quai Saint-Michel, elle assiste avec sa fille Solange, en juin 1832, à l’émeute républicaine réprimée dans un sang qui rougit la Seine.
10) Au dernier étage du 55 quai des Grands-Augustins, Colette et Willy, fraîchement mariés, passent quelques semaines en mai-juin 1893.
11) Apollinaire, avant d’emménager 202 bd Saint-Germain et alors qu’il s’éloigne de Marie Laurencin, est hébergé par ses amis les Delaunay, 3 rue des Grands-Augustins.
12) Alain-Fournier habite 24 rue Dauphine en 1909-10, à l’entresol au fond de la cour et 60 rue Mazarine à l’entresol, en 1906-07.
13) George Sand débarque à Paris début 1831, 31 rue de Seine (plaque). Celle qui s’appelle encore Aurore Dudevant s’installe ici à 26 ans chez son demi-frère Hippolyte. Elle a épousé neuf ans plus tôt Casimir Dudevant et vient d’obtenir de pouvoir vivre la moitié de l’année, seule, à Paris. C’est qu’elle a rencontré, l’été passé, un étudiant parisien de 19 ans, Jules Sandeau…
14) En 1826, Honoré de Balzac installe son imprimerie au rez-de-chaussée du 17 rue Visconti (plaque). Mme de Berny, sa maîtresse d’alors, apprécie la chambre aux tentures bleue du premier étage. Balzac fait faillite en 1828, mais Mme de Berny survit dans Le Lys dans la vallée.
15) La Revue des Deux Mondes, sise 10 rue des Beaux-Arts de 1834 à 1845, est la revue des romantiques. La revue fait aussi salon et s’y pressent Hugo, Vigny, Heine, Mérimée, Gautier, Musset,… C’est lors d’un de ses dîners que Sand et Musset font connaissance en juin 1833, au restaurant Lointier, 104 rue de Richelieu. La petite dame de Nohant (1,58 m) vient de quitter Jules Sandeau. Pour ce dîner, en quête d’un nouveau parti, elle a demandé à Sainte-Beuve qu’Alexandre Dumas soit placé à ses côtés, mais Dumas n’est pas disponible, et c’est Musset qui est le voisin de Sand ce soir-là. Le coup de foudre n’a cependant lieu que le 9 juillet. Les « amants de Venise » partent… à Venise fin 1833. Mais dès le voyage aller, les dissensions apparaissent. En février dans la cité des Doges, George s’attache davantage au médecin Pagello venu soigner un Musset attaqué par une dysenterie, une typhoïde, etc., qu’au malade lui-même. Musset regagne Paris en mars 1834. Leur rupture est définitive en 1835.
16) George Sand vit 19 quai Malaquais, sous les toits, entre fin 1832 et 1836, un peu avec Musset (plaque). De sa fenêtre donnant sur les arbres, elle s’imagine retrouver le Berri à Paris. Son premier roman publié, Indiana, la rend célèbre en 1832. Quai Malaquais, elle écrit Lélia pour La Revue des Deux mondes.
Pour mieux la connaître, courez au magnifique Musée de la vie romantique, 16 rue Chaptal (tél. 01 48 74 95 38).
17) A l’église Saint-Germain-des-Prés, le 11 juin 1905, Alain-Fournier, jeune lycéen de 18 ans, a une longue discussion avec une jeune blonde de 20 ans rencontrée dix jours auparavant : Yvonne de Quiévrecourt – devenue Yvonne de Galais dans Le Grand Meaulnes.
Le 1er juin 1905, il la croise sur les marches du Petit Palais et la suit sur le Cours-de-la-Reine, puis embarque avec elle sur la Seine, jusqu’à sa maison du boulevard Saint Germain. Il revient plusieurs fois sous ses fenêtres. Le 10 juin, il l’aperçoit derrière une vitre. Le 11, il est là tôt le matin. Elle sort, un livre de prières à la main. Il l’accoste en lui disant : « Vous êtes belle » et la suit jusqu’à l’église Saint-Germain-des-Près. A la fin de la messe, il l’aborde à nouveau et c’est « la grande, belle, étrange et mystérieuse conversation ». Au pont de la Concorde, ils échangent leurs noms (à suivre…).
Yvonne de Quiévrecourt est née en 1885 28 rue Saint-Sulpice.
18) Au 4e étage du 25 rue de l’Université, Alexandre Dumas s’installe en 1829. Il vit ici deux ans. C’est l’époque de ses amours avec Mélanie Waldor, pour laquelle il trouve un peu plus tard une chambre sans doute 7 rue de Sèvres, plus proche de l’adresse de Mélanie (84 rue de Vaugirard).
19) A la même époque (décidément, la rue attire les maîtresses !), Hortense Allart demeure au n°32 et reçoit souvent la visite de Chateaubriand, dont elle est une jeune muse.
20) Peut-on parler d’amour en littérature sans parler aussi de Lamartine ? Son adresse parisienne est le 82 rue de l’Université de 1837 à 1853 (plaque). Ce magnifique appartement est proche de la Chambre des Députés, dont le poète est membre depuis 1833. Il vit ici la moitié de l’année, et l’autre dans ses châteaux bourguignons. Hugo, Chateaubriand, Lamennais et bien d’autres sont des hôtes de ce lieu que Lamartine abandonne en 1853, car il ne peut plus subvenir aux frais, et le coup d’Etat du 2 décembre 1851 l’a placé en disgrâce.
21) Le 15 rue de Bellechasse est le pied-à-terre parisien de Bernardin de Saint-Pierre de 1801 à sa mort en 1814. Au 4e étage du 4 rue Rollin – ex-rue Neuve-Saint-Etienne-du-Mont -, il avait écrit au début des années 1780 Paul et Virginie, beau et tragique roman d’amour dont le décor est l’île Maurice.
22) Au 67 rue de Grenelle, dans un hôtel aujourd’hui disparu, habitait Cordélia Greffulhe, autre maîtresse de Chateaubriand, et sa nièce Mme de Castries, à laquelle Balzac est tant attaché qu’il en écrit La Duchesse de Langeais.
23) Le 59 rue de Grenelle (dans un immeuble sur cour derrière la fontaine des Quatre-saisons, à droite – plaque) est le port d’attache d’Alfred de Musset entre 1832 et 1839 : la maison maternelle où le poète trouve toujours une chambre prête à l’accueillir entre deux séjours avec une amante et deux beuveries.
24) Dans un hôtel aujourd’hui disparu, madame de Staël vit 94 rue du Bac de 1786 à 1789, puis en 1795 (elle fait connaissance en 1793 avec Benjamin Constant) et en 1797-98.
25) Aragon et Elsa vivent 56 rue de Varenne, entre 1960 et la mort d’Aragon en 1982.
26) Romain Gary et Jean Seberg vivent 108 rue du Bac.
27) La rue Récamier marque l’emplacement d’une aile de l’Abbaye-aux-bois (abbaye vidée en 1790) transformée en maison de repos, dans laquelle madame Récamier vit et tient salon de 1819 à 1849 après quelques revers de fortune. Elle reçoit là Chateaubriand, Balzac, Lamartine, Sainte-Beuve, Arago, Hugo, Musset, Stendhal, Constant,… Le plus ardent est Chateaubriand qui vient chaque après-midi et lui fait la primeur de ses Mémoires d’outre-tombe.
28) Cinq ans avant sa mort, Rémy de Gourmont, domicilié 71 rue des Saints-Pères rencontre Natalie Barney en 1910 ; elle vit à deux pas, 20 rue Jacob. Cela donne les Lettres à l’Amazone.
29) Raymond Carver et Tess Gallagher, en route pour un périple vers Wiesbaden, Zurich, Rome et Milan, s’arrêtent à l’Hôtel des Saints-Pères, 65 rue des Saints-Pères, en 1987, un an avant la mort du grand Ray.
30) Notre dernière étape nous mène place Saint-Sulpice, où Manon Lescaut vient sortir l’abbé Des Grieux du séminaire du même nom, pour leur perte à tous les deux. Le séminaire était à l’époque situé à l’emplacement de la place, en face de l’église.