Si l’ œuvre poétique de René Guy Cadou[[Sainte Reine de Bretagne 1920- Louisfert-en-Poésie 1951]] tire sa sève de la terre nourricière où il naquit « un dimanche gras de février 1920, sur les dix heures du soir », elle survient aussi de l’impalpable, des sentes bleues et vertes du marais de Grande Brière, des horizons poudreux levant leurs brouillards comme des rivages, de la « mer voisine », des pluies océanes…
Tel le carnet de route d’un voyageur, rendant compte « du visage au fond des gares », « de l’appel lointains des feux », mais également « du pays des vignes voisin de Rochefort », comme des « pays d’ennui et de forêts », les poèmes de René Guy Cadou révèlent une dualité: un exil douloureux et un enracinement profond.
Pour marcher dans les pas du poète il n’y a dans la géographie intime révélée par sa vie -carte du tendre écartelée entre le pays de l’enfant déchiré par la mort prématurée d’une mère adorée et celui de l’homme embrassant l’errance solitaire de l’instituteur remplaçant- qu’une centaine de kilomètres, de l’ombre vers la lumière, d’Ouest en Est, à travers la Loire Inférieure…
Sur son chemin qui parfois fait un détour vers le sud, Cadou sème une pincée d’escales où son existence s’attarde plus qu’ailleurs : Sainte Reine de Bretagne, Saint Nazaire, Nantes, Bourgneuf en Retz, Pompas d’Herbignac, Saint Aubin des Châteaux, Rochefort sur Loire, Clisson…
Puis, au détour de cet itinéraire qui chemine à travers la Bretagne, surgit tout à coup un port… Louisfert… la fin du voyage, l’ultime frontière, « la barrière de l’octroi »…
C’est en 1945, à la faveur d’une demande de mutation, que le poète s’y installe avec Hélène « la désirable, la quotidienne, la présente » dans la maison d’école où il enseignera.
« J’ai choisi ce pays à des lieux de la ville
Pour ses nids sous les toits et ses volubilis »
Louisfert est l’arche « du miracle d’amour », où le poète et sa compagne -qui lui inspirera un des plus beaux chants d’amour du XXème siècle: « Hélène ou le règne végétal »– vont partager une vie consacrée à la poésie.
Alors que s’acheminent vers Cadou les lettres de Cendrars, Reverdy, Pierre Jean Jouve et tant d’autres encore, « les copains qui bourlinguent », ceux de l’Ecole de Rochefort, « Lucien Becker, Jean Rousselot, Michel Manoll, amis venus à la parole », ne manquent pas de prendre la route qui les mène à « la Mecque de l’amitié ».
Durant cinq ans, « dans la petite chambre à l’avant du navire », le chant du poète va s’élever, veillé par Hélène, jusqu’à cette nuit du 20 mars 1951 où, à l’âge de trente et un ans, René Guy Cadou -transfiguré par la souffrance- s’éteint, nous léguant une œuvre bouleversante, vivante et totalement accomplie par-delà le temps donné.
La maison d’école est devenue aujourd’hui La demeure de René Guy Cadou.
C’est Hélène, la bienveillante… la muse… la fée attentive mais aussi le poète qui, du mois de mai au mois de septembre, accueille les visiteurs « chercheurs de trèfles » sur le pont de la barque amirale, qui tangue, à l’ancre, toutes voiles battantes, au bord du quai longeant cette campagne si chère au poète.
Photographies, pages manuscrites et objets personnels sont exposés dans l’ancienne salle de classe où Hélène Cadou, l’inoubliable voix… l’inoubliable présence… l’inoubliable regard… fait appareiller quotidiennement son navire pour un voyage vers René Guy… en Poésie…
«0 père j’ai voulu que ce nom de Cadou
Demeure un bruissement d’eau claire sur les cailloux »
La demeure de René Guy Cadou :
3, Rue René Guy Cadou. 44110 Louisfert-en Poésie Contacts et renseignements: 02 40 81 22 64 Courriel: MARTlNJC45@aol.com
A voir aux alentours
– Louisfert-en-Poésie : le village en lui même est évoqué fréquemment dans l’œuvre du poète. Il mérite à lui seul de longues flâneries, poèmes en poche ou en tête… Ne pas manquer de s’arrêter au calvaire, étonnant monument situé à l’extérieur du village.
– Chateaubriant : Visiter La Carrière des fusillés, endroit consacré à la mémoire des 27 résistants suppliciés par les Nazis sur ce même lieu. René Guy Cadou, témoin du drame, évoque ce lieu dans un des ses poèmes Les fusillés de Chateaubriant.
– Un peu plus à l’Ouest vers le marais de Grande Brière : Sainte-Reine-de-Bretagne, village natal du poète. La maison qui abrita sa petite enfance -l’ancienne école- est actuellement occupée par la mairie. Non loin de cette dernière un parcours poétique, l’allée du calvaire, rend hommage à l’enfant du pays. Au terme de cette promenade un surprenant calvaire mêle étrangement son écho à celui de Louisfert …
Bibliographie
Poésie la vie entière. Œuvres poétiques complètes. René Guy Cadou. Editions
Seghers.
La maison d’été. Roman. René Guy Cadou. Editions Le Castor Astral.
Mon enfance est à tout le monde. René Guy Cadou. Editions Le Castor Astral.
Le miroir d’Orphée. René Guy Cadou. Editions Rougerie.
Le testament d’Apollinaire. René Guy Cadou. Editions Rougerie.
René Guy Cadou. Coll. Poètes d’aujourd’hui. Michel Manoll. Editions Seghers.
Le bonheur du jour. Hélène Cadou. Editions Seghers.
Cantates des nuits intérieures. Hélène Cadou. Editions Seghers.
C’était hier et c’est demain. Hélène Cadou. Le Castor Astral. Témoignage poignant de la vie du poète et d’Hélène à Louisfert.
Frédéric Besnier (f.besnier@tele2.fr)