Il faut lire Un testament espagnol d’Arthur Koestler.
Il y relate son expérience de la captivité en 1937 dans une prison de Séville. Journaliste et communiste actif, il a voulu rester dans Malaga conquise par les troupes franquistes et s’est fait prendre. Une campagne internationale d’opinion obtiendra sa libération après trois mois d’un emprisonnement au cours duquel il s’attendait chaque jour à être exécuté.
Un testament espagnol est un récit d’une incroyable profondeur, parcouru en même temps d’un filet d’humour permanent, même en plein coeur de la détresse. Si vous avez la chance de le lire, vous comprendrez peut-être comment on peut, en quelques jours, oublier que les fleurs ont des couleurs, comment la captivité anémie le cerveau, comment aussi on peut tenter de résister à cette déshumanisation, en particulier en tenant un journal quotidien… et comment imaginer une stratégie d’évasion diabolique.
Koestler y écrit : « Le sentiment de la captivité agit comme un poison absorbé par petite dose et transforme mon caractère. […] Quand j’écrivais mon roman sur la guerre des gladiateurs, je m’étonnais continuellement que les esclaves de Rome, deux fois, trois fois plus nombreux que les hommes libres, n’aient pas renversé les rôles. […] Je souhaite à tous ceux qui parlent de la psychologie des foules l’expérience d’un an de prison. […] Je ne savais pas combien rapidement l’on s’accoutume à considérer une classe privilégiée comme une espèce biologique supérieure et à admettre ses privilèges comme légitimes et naturels. [Mon gardien] a les clefs et moi je suis dans le piège ; [mon gardien] et moi regardons ce phénomène avec la même impassibilité que les phénomènes répétés par la nature depuis des siècles. […] Si un agitateur exalté venait nous déclamer que tous les hommes sont égaux, nous lui ririons tous deux au nez. »
Aujourd’hui, Malaga est une grande ville touristique qui ne veut pas faire mémoire de Koestler. Malheureusement, la villa Santa Lucia de Sir Peter Chalmers-Mitchell, le zoologue anglais qui ne voulait pas quitter la ville et chez qui Koestler avait trouvé refuge, est difficile à situer aujourd’hui.
Mais les deux hôtels où Koestler est passé à cette époque sont encore debout, même s’ils ne sont plus des hôtels : le Regina et le Caleta Palace, alors envahis de soldats républicains épuisés et affamés.
Les multiples vies du Caleta Palace :