Dans ce qui pousse la plume de Gide, le souci financier n’existe pas, et c’est sans doute dommage pour la littérature, qui y aurait gagné quelques chefs d’oeuvre supplémentaires.
Le château de La Roque-Baignard, situé près de Cambremer dans le Calvados, représente bien le confort qui entoure la jeunesse de l’écrivain : 425 hectares de prairies et de forêts, des bâtiments de briques et de pierres, un étang dont les truites mordent à l’hameçon du jeune André, plusieurs fermes.
La mère de l’écrivain a hérité cette propriété de ses propres parents en 1874.
Chaque été, cousins et cousines y affluent, en particulier celles que Gide appelle ses trois soeurs (il est fils unique) : Madeleine, Jeanne et Valentine. La Roque sera plus tard pour lui aussi bien un lieu d’écriture que de lectures. Là, il poursuit des investigations littéraires commencées avec les lectures du soir que lui faisait son père, trop tôt décédé. Il dévore les oeuvres des habitants de la bibliothèque du château : Schopenhauer, Poe, Dickens, Laforgue, Tolstoï, Tourgueniev, Sand, Voltaire, Goethe, Balzac,…
A La Roque, il achève l’été 1891 le Traité du Narcisse. L’été suivant, il y travaille au Voyage d’Urien et, l’été 1893, à La tentative amoureuse. Les étés au château sont également (jusqu’à 1895) le lieu des rencontres-séparations avec Madeleine, qu’il épouse en 1895 et dont La porte étroite rend compte. La Roque-Baignard est longuement évoqué dans le chapitre III de la première partie de Si le grain ne meurt. En 1896, à sa grande surprise, il est élu maire de La Roque – et le restera jusqu’en 1900 !
Le 19 juin 1897, Gide arrive de La Roque à l’hôtel de la Plage de Berneval-sur-Mer, à douze kilomètres de Dieppe, pour y rencontrer un étrange personnage. Oscar Wilde a été libéré un mois auparavant de la prison de Reading. Ses trois dernières années sont celles d’un homme brisé par son procès et son emprisonnement. Il n’est plus l’homme des succès littéraires, dont les pièces faisait courir tout Londres, que Gide a connu en 1891 et que, bien que ne comprenant alors pas un mot d’anglais, il passait son temps à regarder et écouter. En 1900, il cède le château dont l’entretien est trop coûteux. Le produit de la vente lui permet d’acquérir un terrain 38 avenue des Sycomores à Paris, où il fera bâtir la villa Montmorency.
En 1909, il vend le reste des terres de la propriété.
Autres demeures de l’auteur
André Gide a également vécu à Paris, Cuverville-en-Caux, Rouen, Uzès,…
Pour visiter le lieu
Le château est propriété privée et ne s’ouvre que pour des occasions exceptionnelles.
À voir aux alentours
– Le château voisin du Val-Richer est devenu Blancmesnil dans Si le grain ne meurt. André Gide est enterré derrière l’église de Cuverville, à cinquante kilomètres à vol d’oiseau de La Roque-Baignard.
Plus au sud, on entre sur le territoire d’autres écrivains :
– la Comtesse de Ségur, à Aube-sur-Risle,
– Fontenelle, au château de La Mésangère,
– Philippe Delerm à Beaumont-le-Roger,
– Alain, à Mortagne-au-Perche,
– Roger Martin du Gard, à Sérigny près de Bellême,
– à Gacé se trouve le musée de la Dame aux Camélias, qui a inspiré Dumas Fils.
Petite bibliographie
Les nourritures normandes d’André Gide. R.-G. Nobécourt. Editions Médicis.
André Gide ou la vocation du bonheur. Tome 1 : 1869-1911. Claude Martin. Editions Fayard, 1998. 690 pages, 180 F.
Les jardins d’André Gide. Éditions du Chêne.
Le Bulletin des amis d’André Gide est publié par l’Association des amis d’André Gide.
Sur Internet
www.andre-gide.fr.