« Ce qui me sépare des surréalistes,
c’est qu’ils aiment la vie autant que je la méprise. »
A la grande nuit ou le bluff surréaliste.
Il a, comme on dit au cinéma, une « gueule ». En plus, c’est un caractère. Du genre à vous apostropher dans la rue pour vous traiter de chien et vous menacer d’une canne ferrée.
Comme ses maîtres Rimbaud et Baudelaire, Antonin est un errant sans feu ni lieu. Ses domiciles sont les maisons des amis, les hôtels, et quelques asiles aussi, puisqu’il possède en lui une sorte de folie (plus grave que celles des Marx Brothers, qu’il apprécie beaucoup !).
En 1896, Antonin naît à Marseille, où il revient régulièrement durant de longues années.
A quatorze ans, il publie ses premiers poèmes dans une revue d’écoliers. Après différentes cures dans les maisons de repos de la région pour soigner des troubles psychiques et syphillitiques, il monte à Paris en 1920 afin de trouver meilleurs médecins… et devient homme à tout faire au Théâtre de l’Oeuvre, embauché par Lugné-Poé.
C’est le début d’une carrière de comédien-auteur dramatique-poète-collaborateur littéraire (pour les plus grandes revues françaises des années 20) – acteur de cinéma (souvent des rôles d’arrière-plan, mais pour les plus grands réalisateurs de l’époque).
Sa route croise celles de Jacob, Malraux, des surréalistes, de Vitrac, Paulhan, Anaïs Nin, Gide.
Elle est parsemée de ruptures soudaines (avec les surréalistes, avec la troupe de Charles Dullin, avec la NRF) et de cures de désintoxication, car les drogues, destinées au début à guérir son corps, ont commencé à prendre soin de son âme.
Il adhère au surréalisme en 1924 et quitte le mouvement en novembre 1926[[Son exclusion est décidée lors d’une réunion au café Chez prévost.]]. En 1925, il dirige le Bureau central de recherches surréalistes basé 15 rue de Grenelle et coordonne la rédaction du n°3 de la Revue surréaliste. Son entente avec Breton achoppe sur l’intérêt que Artaud porte au théâtre et au cinéma[[Breton exècre le théâtre pour au moins deux raisons : le surréalisme entend mettre fin aux genres littéraires en général, et donc à l’expression théâtrale en particulier. Et il n’est pas sain à ses yeux qu’un auteur se cache derrière ses personnages.]] et sur le fait qu’Artaud rechigne à s’engager politiquement.
Son départ en 1926 aura pour conséquence la naissance d’une nouvelle revue : Le Surréalisme au service de la révolution.
Le 13 janvier 47, il donne au théâtre du Vieux Colombier une conférence qui fait scandale. Son public se partage en deux : ceux qui n’ont pas compris et ceux qui deviendront (ou sont déjà) écrivains.
Il meurt en mars 1948 d’un cancer.
Quelques-uns de ses multiples lieux de vie :
– Il vit 28 rue La Bruyère vers 1928.
– Il habite le dernier étage du 18 villa Seurat à Paris, où vivra plus tard Henry Miller.
– il fréquente aussi le square Blomet (45 rue Blomet), où les ateliers de Masson et Miro rassemblent les tenants du Surréalisme (dont il est exclu en 1926).
– un de ses ports d’attache favoris : la Rhumerie martiniquaise, 166 boulevard Saint-Germain.
– En 1936, il part au Mexique pour oublier déceptions théâtrales et littéraires ; il remet cela en 37 en Irlande. Son état de grande pauvreté, sa détresse psychologique et une simple altercation avec des marins à son retour le font interner… pour neuf ans, lui permettant ainsi d’atteindre au moins un de ses objectifs : être pris en charge socialement pour se consacrer au « problème central » ! Il échoue dans des asiles, entre autres Sainte-Anne à Paris et, de février 1939 à janvier 1943, à Ville-Evrard, près de Paris, puis à Rodez.
– En mai 1946, il est libéré et s’installe à Ivry à la maison de santé du docteur Delmas.
– en septembre 1946, à l’auberge du Sans-souci à Saint-Tropez, il compose L’adresse au Dalaï-Lama et L’adresse au Pape, et termine Le retour d’Artaud le momo.
Petite bibliographie
Antonin Artaud. Alain et Odette Virmaux, Editions La Manufacture, 1985, 50 F.
Artaud. Thomas Maeder, Plon, 1978.
Dossier Artaud dans le Magazine littéraire, n°206 d’avril 1984.