« Cripure est une arme pour l’homme de demain contre l’homme d’hier. »
Aragon
« J’aime mon travail. Le monde est peut-être absurde, on le dit, mais vouloir le peindre ou l’interpréter ne l’est pas. C’est peut-être même la seule manière de s’équilibrer à l’absurde. »
Louis Guilloux
« Cripure » est un vieux professeur, héros d’une journée de 1917 qui se déroule dans une ville de province, loin du front, journée durant laquelle il ne se passe rien, sinon quelques événements ridicules ou dramatiques que Louis Guilloux décrit d’une très belle écriture dans Le Sang noir.
Cripure est une cause perdue, qui rêve de Java et trouve la mort. Sa dignité est toujours en équilibre ; il n’échappe pas à la vulgarité ni à l’humiliation. Mais, au moins, c’est lui qui maîtrise cet équilibre. Au milieu de collègues fiers de savoir leurs fils partis au front, Cripure se tait et son silence fait du bruit.La ville du Sang noir ressemble à Saint-Brieuc, et Cripure ressemble à Georges Palante, ancien professeur de Guilloux.
Louis naît le 15 janvier 1899 rue du Chapître à Saint-Brieuc, de parents qui ne s’entendaient pas bien[[Louis Guilloux à Jean Grenier, cité par ce dernier dans Carnets 1944-1971, Paris, Seghers, 1991. Guilloux lui déclarera aussi il y a entre [ma femme et moi] une gêne venant d’une cassure depuis des années. Mon mariage a changé complètement mon attitude – le bonheur est impossible, idem.]].
Son père, cordonnier laborieux et socialiste, ne quittera de sa vie les murs de la ville.
En 1916, Louis choisit d’être pion au lycée de Saint-Brieuc pour gagner sa vie plutôt que de continuer sa scolarité.
Un jour de l’été 1917, il croise à la bibliothèque municipale Jean Grenier, lui aussi enfant de Saint-Brieuc, futur ami fidèle[[Grenier décrit Guilloux sous les traits de Michel dans son roman autobiographique Les Grèves.]] et futur professeur de philosophie au Grand Lycée d’Alger entre 1930 et 38, qui aura alors parmi ses élèves un certain Albert Camus.
En 1918, Guilloux s’installe à Paris.
En 1921, il devient traducteur d’anglais. Il écrit aussi pour lui-même, et ne fait plus que cela à partir de 1927. Entretemps, il a rencontré Daniel Halévy, Guéhenno, Malraux et a écrit des feuilletons pour Le Matin et Le Petit Journal.
Avec Petit, Chamson et Grenier (et un peu Malraux et Guéhenno), il forme le groupe « vorticiste ».
La Maison du peuple rencontre un beau succès en 1928. C’est l’oeuvre de Guilloux que préfère Camus.
En 1930, Guilloux revient à Saint-Brieuc. Il y fait construire sa maison deux ans plus tard, 13 rue Lavoisier.
Il est responsable, pour le département, du Secours Rouge, c’est-à-dire de l’accueil des réfugiés de l’Allemagne hitlérienne. Guilloux est pacifiste malgré tout, et donc taxé d’extrême-gauche, mais son individualisme le retient d’adhérer au parti communiste.
Le Sang noir manque de peu le prix Goncourt 1935, mais connaît un succès immédiat et international.
Secrétaire du Congrès mondial des Écrivains antifascistes à Paris en 1935, Guilloux rencontre Pasternak. Un an plus tard, il accompagne Gide à Moscou.
En 1944, ses activités de résistance à l’occupant le poussent à se réfugier à Toulouse. Après la libération de Saint-Brieuc, il sert comme interprète auprès des tribunaux militaires américains, expérience relatée dans O.K., Joe !
En août 1947, Grenier mène Camus à Saint-Brieuc. Guilloux les guide à travers la ville, et jusqu’au cimetière Saint-Michel où Camus découvre la tombe de son père, tué en 1914.
Guilloux et Camus resteront proches, partageant tous deux peu d’attirance pour la vie parisienne, une certaine pudeur et l’expérience passée d’une vie de pauvreté.
Lorsqu’il séjourne à Paris, Guilloux loge parfois chez Malraux dans les années 30, puis, dans les années 50, dans une chambre prêtée par les Gallimard rue Sébastien Bottin, ou dans leur hôtel particulier 17 rue de l’Université.
Quand il obtient le prix Renaudot en 1949 avec Le Jeu de patience, il s’installe aussi rue Servandoni, dans le quartier de Saint-Sulpice, et plus tard 42 rue du Dragon.
Pour visiter le lieu
La maison de Louis Guilloux est située 13 rue Lavoisier à Saint-Brieuc. Pour tous renseignements : la bibliothèque municipale qui détient par ailleurs le fonds Louis Guilloux.
Quelqu’un à contacter ?
L’Association des Amis de Louis Guilloux : s/c Yann Le Guiet, Bibliothèque municipale, rue du 71e Régiment d’Infanterie, 22000 Saint-Brieuc (tél. 02 96 62 55 19).
À voir aux alentours
Présences littéraires aux alentours de Saint-Brieuc :
– Michel Le Bris à Saint-Samson,
– T. E. Lawrence à Dinard,
– Chateaubriand à Saint-Malo et Combourg,
– Alfred Jarry à Saint-Brieuc,
– Max Jacob à Quimper,
– Renan à Tréguier,
– Joseph Conrad à Lannion-L’Ile Grande,
– Alain-Fournier à Brest,
– Paul Féval à Rennes,
– Pierre Mac Orlan à Rennes.