Albert CAMUS

La maison-forte du Panelier, près du Chambon-sur-Lignon.
La maison-forte du Panelier, près du Chambon-sur-Lignon.
« Je veux exprimer au moyen de la peste l’étouffement dont nous avons tous souffert et l’atmosphère de menace et d’exil dans laquelle nous avons vécu. Je veux du même coup étendre cette interprétation à la notion d’existence en général. La Peste donnera l’image de ceux qui dans cette guerre ont eu la part de la réflexion, du silence – et celle de la souffrance morale. »

« La première chose à apprendre pour un écrivain c’est l’art de transposer ce qu’il sent dans ce qu’il veut faire sentir. Les premières fois c’est par hasard qu’il réussit. Mais ensuite il faut que le talent vienne remplacer le hasard. Il y a ainsi une part de chance à la racine du génie. »

Le séjour de Camus au Panelier est un intermède entre sa vie algérienne et sa vie parisienne.

Janvier 1942. Son roman L’Étranger vient d’être accepté par Gallimard et va bientôt sortir des presses. Camus crache du sang à Oran. Son second poumon est atteint par la tuberculose. Il doit s’éloigner du climat humide du Nord de l’Algérie. Sa femme Francine est enseignante, et ils attendent août suivant pour se rendre dans la « maison-forte » du Panelier, à quatre kilomètres du Chambon-sur-Lignon, en Auvergne. C’est là que les accueille la belle-mère de la tante de Francine, madame Oettly, qui tient une pension de famille.

Camus se rend tous les douze jours environ à Saint-Etienne pour y faire des insufflations. Il travaille à La Peste et au Malentendu, lit Joyce et Proust.

Francine repart enseigner début octobre en Algérie, et Camus compte la rejoindre fin novembre.

… Sauf que le débarquement allié en Afrique du Nord a lieu le 7 novembre, provoquant l’occupation totale de la France par les allemands qui franchissent la ligne de démarcation, et coupant toute retraite possible à l’écrivain.

Il se retrouve au début de l’hiver bloqué au Panelier, séparé de sa femme et sans aucun revenu.

Pascal Pia, son ancien collègue de Alger républicain et de Paris-Soir qui entre alors dans la Résistance active, lui obtient un statut de « lecteur » aux éditions Gallimard. Camus peut tout de même voyager un peu et le rencontrer à Lyon, ainsi que Francis Ponge, autre ami de Pia, autre résistant, autre habitant occasionnel de la pension du Panelier et dont Camus admire Le Parti pris des choses.

Lorsqu’il se rend à Lyon, Camus séjourne parfois dans une chambre du 6 rue Vieille-Monnaie (aujourd’hui rue René Leynaud), prêtée par René Leynaud, poète et correspondant du Progrès. Il rencontre aussi René Tavernier, éditeur de la revue Confluences qui publie des poèmes d’Aragon – hébergé début 1943 chez Tavernier, ainsi qu’Elsa Triolet. La maison de campagne de Tavernier [[Située rue Chambovet à Montchat, elle a disparu. Son parc est maintenant un espace public.]] sert de lieu de réunion au Comité national des écrivains. Camus y croise Aragon et Triolet.

Il est cependant peu en contact avec les réseaux de Résistance du Chambon, bien actifs et dont est membre le philosophe Paul Ricoeur.

Il retrouve un ancien ami d’Algérie, André Chouraqui, chassé de l’université de Clermont-Ferrand et établi entre 1942 et 1944 dans la maison du docteur Paul Héritier à Chaumargeais.

En janvier 1943, Camus monte deux semaines à Paris et loge à l’hôtel Aviatic, toujours debout 105 rue de Vaugirard. Il fait connaissance avec Jean Paulhan, Brice Parain, le père Bruckberger, dominicain atypique de trente-cinq ans (qu’il reverra au Chambon)… et voit pour la première fois Maria Casarès dans une pièce de théâtre.

En juin, il est à nouveau dans la capitale pour quelques jours et y rencontre Sartre.

Début novembre 1943, désireux d’échapper à un nouvel hiver solitaire au Panelier, il s’installe à Paris. Un bureau l’attend rue Sébastien-Bottin aux Editions Gallimard, et une chambre d’hôtel, 22 rue de la Chaise.

Il reviendra au Chambon et au Panelier les étés de 1947 à 1952 séjournant en particulier dans la villa Le platane, côte de Molle (difficile à situer aujourd’hui).

Petite bibliographie

Itinéraire du patrimoine, Plateau Vivarais-Lignon, Les écrivains. Edité par le SIVON, 46 route de St-Agrève, 43400 Le Chambon-sur-Lignon, tél. 04 71 65 74 70. L’article sur Camus est rédigé par M. Gérard BOLLON, qui peut être contacté par courrier à la mairie pour de plus amples informations.

Albert Camus, une vie, par Olivier Todd. Folio n°3263.

Albert Camus, par Herbert R. Lottman. Points Seuil.

12 Comments

Ajoutez les vôtres
  1. 1
    Annik Flaud

    > Albert CAMUS au Panelier (Le Chambon-sur-Lignon) et à Lyon
    Bonjour,

    Je viens de regarder votre article sur Camus au Chambon.

    Paul Ricoeur n’est venu au Chambon qu’après la guerre, après sa libération des stalags allemands.

    Annik Flaud

    • 2
      JC Sarrot

      > Albert CAMUS au Panelier (Le Chambon-sur-Lignon) et à Lyon
      1000 excuses. Je crois que Lottman a fait une erreur dans sa bio…

    • 3
      JENNIFER

      > Albert CAMUS au Panelier (Le Chambon-sur-Lignon) et à Lyon
      je trouve que ces petites précisions sur Camus et sa femme sonht tres interressante.si j’ai l’occasion j’essaierais de trouver cette maison et je vous en enverrais la photo.

      Jennifer de TROYES

    • 4
      P. Pouyanne

      > Albert CAMUS au Panelier (Le Chambon-sur-Lignon) et à Lyon
      Une double erreur en effet. Paul Ricoeur, encore en Mai 1944, était loin du Chambon et du moindre contact, même par la pensée, avec un réseau de résistants. Il était encore prisonnier prés de Stettin, dans l’OfLag d’Arnswalde. Quant à son état d’esprit, il est discrètement mais très précisément rapporté pp.206-210 d’un ouvrage intitulé Le crépuscule des illusions, publié en 2011. Il s’agit des mémoires intempestifs (et posthumes) d’un autre universitaire, Georges Gusdorf, qui avait dirigé une sorte d’université et l’aumonerie protestante d’un autre OfLag.

  2. 5
    Patrick Henry(Professor of French at Whitman College, Walla Walla, WA 99362)

    > Albert CAMUS au Panelier (Le Chambon-sur-Lignon) et à Lyon
    A ce propos, il faut lire « Albert Camus, Panelier, and La Peste, *Literary Imagination*:5(Fall 2003):383-404.*Literary Imagination* is the Review of the Association of Literary Scholars and Critics.

    • 6
      philit

      > Albert CAMUS au Panelier (Le Chambon-sur-Lignon) et à Lyon
      bonjour,

      une simple rectification géographique,le lieu dit Panelier bien que très proche de la commune du Chambon sur Lignon, se trouve en réalité sur la commune du Mazet St Voy (43)

      Cordialement.

      Robert Philit

  3. 7
    Anonyme

    > Albert CAMUS au Panelier (Le Chambon-sur-Lignon) et à Lyon
    Bonjour Patrick:
    Nelly m’a dit que ton article etait sur l’Internet. Est-ce que ceci est tou l’article ou un extrait.
    Amities, Janine Cortell

  4. 8
    Anonyme

    > Albert CAMUS
    C’est fort intéressant mais cependant une précision : la maison du Panelier où séjournaient Albert et Francine Camus ne se trouve pas au Chambon-sur-Lignon comme le donne à penser le contenu de la parenthèse mais au Mazet-Saint-Voy (43520), en limite du Chambon.
    Il est toujours utile de donner l’adresse exacte.
    Pour ma part je m’y promène souvent, c’est un site merveilleux, je trouve, et tout à côté, en plus, d’un autre lieu bien intéressant : le village de Mazalibrand où est enterré dans le cimetière famillial, Georges Canguilhem, du Collège de France.

    Serge BERNARD, Mazalibrand, commune du Mazet-Saint-Voy

    • 10
      lioury

      > Albert CAMUS
      ALBERT CAMUS se rendait souvent dans le hameau « des ruches » ou il rencontrait RAYMOND ARON qui y etait réfugié comme d’autres nombreux juifs que les paysans protestants cachaient de la fureur nazi.

      • 11
        Anonyme

        > Albert CAMUS
        Embarqué le 24 juin 1940, sur un navire britannique, l’Ettrick, à Saint-Jean-de-Luz, Raymond Aron a séjourné à Londres jusqu’à la libération !

  5. 12
    Marie-Françoise SAVET

    Albert CAMUS
    Bonjour,
    je viens de relire votre article et en particulier à la fin ce passage :
    « Il reviendra au Chambon et au Panelier les étés de 1947 à 1952 séjournant en particulier dans la villa Le platane, côte de Molle (difficile à situer aujourd’hui). »
    et je peux vous préciser où Albert Camus résidait l’été 1952.
    En effet mes parents louaient la maison à l’angle de la Route de Molle et du Chemin de la Roseraie, chemin sur lequel était située l’entrée de notre location. Albert Camus était notre voisin et il a invité mes parents à prendre l’apéritif un soir peu après notre arrivée, je me rappelle avoir joué dans son jardin mais hélas n’ai pas de souvenir de M. Camus ! L’entrée de sa maison était aussi chemin de la Roseraie, après la nôtre mais la maison donnait sur la route de Molle dont elle était séparée par un mur. Je vous joins sur http://www.terresdecrivains.com/IMG/png/camus.png une photo prise sur Google Map avec entourée en rouge la résidence de M. Camus..

    bien cordialement,

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