Ne pas confondre, comme je le lis souvent dans des ouvrages consacrés à l’histoire de Paris, avec le Casino de la place Cadet.
Cette grande bâtisse avait pris la suite après la fermeture de la salle des Porcherons, au carrefour de la rue Lamartine et de la place Cadet. Le photographe Pierre Petit reprendra les locaux vers 1865 pour en faire un vaste atelier, avec le premier laboratoire photographique de cette dimension.
Par Bernard Vassor
Tantôt salle de concert, mais de préférence salle de bal. La musique prédisposant les âmes masculines à la tendresse, les lorettes font, les jours de concert, assaut de toilettes affriolantes, de démarches aguicheuses et d’oeillades langoureuses.
Ces concerts sont suivis non pas pour la musique, mais pour le public féminin.
La salle de la rue Cadet est vaste, avec une double galerie au rez de chaussée et au premier étage. On cause dans les galeries d’en bas, et on fume dans les galeries d’en haut.
Au centre, on danse les jours de bal, c’est-à-dire les lundis, mercredis, vendredis et dimanche.
On s’assied les jours de concert, les mardis, jeudis et samedi.
À l’extrémité de la salle est placé l’orchestre ; derrière et de plein pied, se trouve le promenoir éclairé par 4 ou cinq lustres, dont les murs sont ornés de portraits en pied de femmes célèbres. On peut reconnaître : Jenny Colon, l’égérie de Nerval, Marie Dorval, la duchesse Laure d’Abrantès, mademoiselle Mars, Delphine de Girardin, Rachel, et la belle informatrice de police Fanny Esler.
Sans avoir l’air de rien, on peut causer librement de ses petites affaires, faire la demande, débattre le prix de ceci ou de cela.
Il y a foule les jours de bal. Les petites ouvrières et les petites bonnes vont à la pêche pour trouver l’homme généreux et glaner 15 ou 20 sous. Si elles ne trouvent rien, elles retournent sur le boulevard, à la porte des cafés dont elles sont l’ornement indispensable.
On peut circuler difficilement sur les bas-côtés de la salle de danse. C’est donc dans des sortes de box que nos jeunes demoiselles attendent un probable « Bel ami ».
L’été, tout ce beau monde se transporte au Château d’Asnières, qui sera en parti détruit par les Prussiens en 1870 et les obus versaillais en 1871, et dont il reste quelques vestiges près du quai de Seine (à Asnières) et une chapelle donnant dans l’actuelle avenue Gabriel Péri, face au parc Voyer D’Argenson (peint par Van Gogh).
Que dire de plus ?
Ah ! Oui : c’est aujourd’hui un bâtiment très laid, dans cette voie ayant des maisons datant principalement du XVIII° siècle. Il est occupé par le Grand Orient de France dans un immeuble navire avec une façade en aluminium !
Certains diront ; c’est le progrès, il faut vivre avec son temps, Paris ne s’est pas fait en un jour, et j’ai une liste interminable de clichés utilisés pour justifier des opérations immobilières.
On trouve dans cette rue au dix-neuvième siècle de nombreux garnis surveillés par la police, les numéros 2, 7 et 18 retenant particulièrement l’attention !
Sources :
Gérard Comte, ( formidable) historien de Jazz, ( et du XIII° arrondissement)
Maupassant : Bel ami
Archives de Paris (merci Christiane)
Archives de la Préfecture de police (merci Rémy)
Archives personnelles (merci Bernard)
Paris chez soi, Paris ancien et moderne. Paris Paul Boizard 1855
Paris à l’il, Guide pratique, 13 rue des Martyrs 1862.
Gérard Comte, un ami historien du Jazz (et du XIII° arrondissement) m’avait montré une affichette de ce cabaret de la place, datée de 1850, l’annonce d’un spectacle de Minstrels intitulé :
« Grand succès de Melle Rosa et Sidney Terry »,
Salle des Porcherons.
Il y a encore un mystère à éclaircir : les spectacles de Minstrels, aux Etats-Unis, étaient des représentations destinées à un public blanc, de comédiens ambulants grimés de manière à leur donner l’aspect d’esclaves noirs, et singeant leurs danses et leurs musiques (à l’époque, c’étaient des « chants de travail »), le blues et le jazz (ragtime précurseur) n’apparaissant que cinquante ans plus tard !
Un petit peu plus tard, ces spectacles américains quelque peu racistes seront accueillis aux « Folies Bèregères » et à « l’Eden Théâtre », aujourd’hui « l’Athénée ».