Une association littéraire dans les salons de Madame Doublet

A l’emplacement aujourd’hui des bâtiments de l’AFP, ce cénacle sera l’inventeur du journalisme de faits-divers, alimentant les ambassades et les milieux artistiques et mondains d’informations inédites.


Les Nouvelles à la Main.

Par Bernard Vassor

Ce centre réunissait des littérateurs, des savants, des journalistes, des académiciens, et échappait ainsi à la censure royale.

Marie-Anne Legendre Doublet de Persan qui occupait un appartement loué par les dames de Saint-Thomas, tenait ce privilège de son frère l’abbé-Legendre. Elle était la veuve d’un intendant de commerce.

L’endroit était connu sous le nom de « La Paroisse ».
Dans cette assemblée, les femmes étaient nombreuses : Madame d’Argenson, Madame du Boccage, Madame Rondet de Villeneuve, Madame de Besanval et quelques autres.

Certains participants pourtant étaient parfois poursuivis. Un certain Blanchard fut condamné à être battu et fustigé au milieu du Pont-neuf, ayant pendu au cou deux écriteaux, un devant et un derrière, portant la mention « Gazetier à la main ».
L’abbé Prévost, accusé malgré ses protestations, fut exilé à Marseille.

Bachaumont lui-même fit plusieurs séjours à la Bastille. Madame Doublet fut menacée d’enfermement dans un couvent.

« La Paroisse » se tint tranquille quelques temps.
Madame Doublet resta quarante ans sans sortir (Grimm).
Pendant quarante ans, « C’est de ce coin que partirent tous les bruits dont les affairés et les friands de bruits s’étaient toujours approvisionnés à grand peine.»

L’ami de toujours de madame Doublet, co-fondateur de cette confrérie, était le principal « rédacteur » de ces nouvelles.

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Louis-Petit de Bachaumont (1690-1771) prit sous son aile, avec la complicité de madame Doublet, un jeune homme, Mathieu François Pidansat de Mairobert (1727-1779), dont certains prétendaient qu’il était le fils naturel de madame Doublet et de Bachaumont.

A la mort de celui-ci, Mairobert prendra le relais pour la rédaction des « Nouvelles à la Main ».
_Il réunira les articles de Bachaumont en une publication intitulée :
« Mémoires secrets pour servir à l’histoire de la République des Lettres en France depuis 1762, par feu Monsieur Bachaumont » qui obtiendra un succès phénoménal.

Mairobert fut censeur royal, secrétaire honorifique du roi et des commandements du duc de Chartres, plus tard Philippe-Egalité.

Impliqué dans le scandale de « l’affaire du marquis de Brunoy », dont les débauches homosexuelles scandalisaient le tout Paris, il s’est suicidé le 30 mars 1779.

C’est Mouffle d’Angerville qui complètera les
«Mémoires secrets» qui comptent 36 volumes et qui aura l’honneur de bénéficier d’un petit tour à la Bastille.

Les têtes de turc « des Nouvelles », étaient La Harpe et Beaumarchais.

Quelques ouvrages consultés :

Jules et Edmond de Goncourt, Portraits intimes au XVIII° siècle, Dentu 1856 et 1857

Archives de la Bastille

Mémoires Secrets Bachaumont

Edouard Fournier, Paris secret

Pascal Pia, préface à l’édition du Cercle du Livre Précieux

Jean-Pierre Duteil, bibliographe, libraire, éditeur.

Collardot, Les cours et les salons au XVIII° siècle

Feuillet de Conches, Les salons où l’on cause, Paris Charavay 1887

Correspondance des Grimm