Romans policiers historiques de la Grande guerre

L’arme secrète de Louis Renault (Thierry Bourcy, 2006), La Der des der (Didier Daeninckx, 1984), Le Boucher des Hurlus (Jean Amila, 1982), Les Ames grises (Philippe Claudel, 2003) et Un long dimanche de fiançailles (Sébastien Japrisot)[[Il faudrait ajouter à cette liste le roman Ras le casque et la nouvelle L’Unijambiste de la cote 284 de Pierre Siniac.]] sont cinq romans qui, chacun dans leur genre, nous aident à ne pas oublier ce que fut la Grande guerre.


A droite, le 27 rue Amelot, emplacement du bar de Petit Louis (Un Long dimanche de fiançailles).
A droite, le 27 rue Amelot, emplacement du bar de Petit Louis (Un Long dimanche de fiançailles).

Aucun de ces romans ne se déroule sur le champ de bataille. Mais celui-ci n’est jamais loin : à quelques kilomètres dans Les Ames grises ou quelques centaines de kilomètres dans L’arme secrète de Louis Renault ; très présent dans la mémoire des protagonistes des cinq romans, marquée à vie de différentes façons : l’insoumission ou la mutilation volontaire de soldats (Un long dimanche de fiançailles, Le Boucher des Hurlus, La Der des der), l’incroyable insouciance de la vie loin du front (L’arme secrète de Louis Renault, Les Ames grises), la quête de familles qui, même plusieurs années après la fin de la guerre, ignorent si leur parent est vivant ou mort (La Der des der et, bien sûr, Un long dimanche de fiançailles), l’échange d’identité avec un camarade mort au front (encore La Der des der et Un long dimanche de fiançailles), la vie en sanatorium ou en maison de convalescence pour les mutilés de guerre (Le Boucher des Hurlus, La Der des der, Un long dimanche de fiançailles), etc.

Excepté Le Boucher des Hurlus qui est davantage un roman noir qu’une enquête policière, chaque récit avance en reconstituant les pièces d’un puzzle qui fait peu à peu apparaître les motivations et les sentiments des personnages, révèle des comportements inhumains et dénonce ainsi l’horreur de la guerre qui transforme les hommes en bêtes : elle en conduit certains à tout risquer pour survivre à la boucherie, et d’autres à sacrifier des soldats pour l’exemple.

L'église Saint-Germain-de-Charonne, rue de Bagnolet à Paris.
L’église Saint-Germain-de-Charonne, rue de Bagnolet à Paris.
Dans Le Boucher des Hurlus et La Der des der[[C’est aussi la dernière enquête de René Griffon…]], le propos est proche, traité dans des styles différents mais tout aussi frappants[[Le Boucher des Hurlus a ainsi en partie décidé de la vocation littéraire de l’écrivain Patrick Pécherot. Cf le n°0 du magazine Shanghaï Express, décembre 2005, sur http://shanghai.express.free.fr.]]. Avec une gouaille qui séduit rapidement le lecteur, Amila et Daenincks dénoncent le pouvoir de l’armée[[La rigidité et parfois l’inconscience des officiers supérieurs est un trait commun aux cinq romans dont nous parlons ici.]] qui est le noeud du récit et est symbolisé par le général Des Gringues pour l’un et, pour le second, par le colonel Fantin de Larsaudière qui, sous son uniforme de héros, est un lâche.

Les auteurs mettent dans le même sac l’église et le pouvoir politique. L’anarchisme teinte les deux récits, qu’il colore chaque page du Boucher des Hurlus ou que Daenincks mette en scène des personnages de l’ex « Union syndicale des locataires » qui a réellement existé avant guerre[[Voir par exemple www.pelloutier.net.]].

Les séquelles laissées par la guerre sur les survivants sont terribles : corps mutilés, proches morts ou disparus, identités détruites, mais aussi dignités meurtries.

Ces diverses blessures font couler le sang dans quatre des cinq romans, l’intrigue de L’arme secrète de Louis Renault se situant davantage du côté de l’espionnage.

Dans Le Boucher des Hurlus, parce que «le père avait été fusillé en novembre 1917 avec ses camarades qui avaient refusé de monter à l’assaut de Perthes-les-Hurlus[[Le village, situé entre Reims et Châlons-en-Champagne, a été entièrement détruit pendant la guerre et son nom est rattaché aujourd’hui à celui de Souain. Voir par exemple www.crdp-reims.fr et www.crdp-reims.fr/memoire/lieux/1GM_CA/musees/02souain.htm.]], dix fois repris et reperdu, où près de cent quarante mille « poilus » étaient morts pour rien, car l’endroit n’avait aucune valeur stratégique et on ordonnait ces boucheries inutiles uniquement pour « entretenir le moral de la Troupe »»[[Le Boucher des Hurlus, page 9.]], sa femme et son fils Michou sont méprisés par les « bien pensants » de la rue de Bagnolet. Après une altercation avec une voisine, Mme Lhozier est internée en hôpital psychiatrique et son fils Michou est placé dans un orphelinat à Courbevoie (comme Jean Amila, enfant de Belleville dont les parents se séparent après l’Armistice et dont la mère est internée), non loin du boulevard de Verdun. Michou fait le voeu de venger ses parents en tuant le « boucher des Hurlus », le général Des Gringues qui a fait fusiller son père.

Difficile pour le lecteur de ne pas être touché par le comportement de ce gamin de 8 ans et demi, Gavroche de 1918, si obstiné dans sa quête qu’il entraîne à sa suite trois camarades plus âgés de l’orphelinat. Les quatre se font la belle, parviennent à se rendre dans les régions dévastées et à se procurer un pistolet, puis à regagner Paris, où ils doivent assassiner le général qui habite Neuilly.

En face, le 65 rue Bobillot (un décor de La Der des der). A droite, la rue Bernard. La photo est prise depuis la rue de Pouy. Difficile avec tout ça de ne pas penser à Jean-Bernard Pouy.
En face, le 65 rue Bobillot (un décor de La Der des der). A droite, la rue Bernard. La photo est prise depuis la rue de Pouy. Difficile avec tout ça de ne pas penser à Jean-Bernard Pouy.

Une balade dans les rues de Paris peut être le prétexte de faire revivre les humbles héros de ces cinq romans policiers sur la Grande guerre.

Nous sommes avec Daenincks en janvier 1920 et dans les jours qui suivent l’Armistice avec Amila, alors que la grippe espagnole décime la France. Le décor principal est dans les deux cas les 19e et 20e arrondissements. Michou Lhozier, jeune héros du récit en grande partie autobiographique d’Amila, et René Griffon, le détective de Daenincks, ne se ratent que de quelques mois rue de Bagnolet[[On quitte aussi Paris, pour visiter les régions dévastées avec Amila et, avec Daenincks, le sanatorium de Villepinte – premier sanatorium de France en 1881 – où sont soignés les blessés de guerre, avec des échappées à Aulnay-sous-Bois, où demeure le colonel Fantin 12 rue Thomas.]].

Premier détour, donc, par les quartiers nord de la capitale.

Les Lhozier habitent donc rue de Bagnolet, non loin du parc de l’hospice Debrousse où l’on entasse les «incurables, la plupart invalides de guerre, avec des balles shrapnel dans la colonne, ne pouvant plus bouger et que pratiquement on ne voyait jamais»[[Le Boucher des Hurlus, page 202.]].

52 rue de Lille, bureau de Germain Pire (Un Long dimanche de fiançailles)
52 rue de Lille, bureau de Germain Pire (Un Long dimanche de fiançailles)
4 place Saint-Blaise, dans la rue de Bagnolet, s’élève la belle église de Saint-Germain-de-Charonne.

«[…] un peu plus bas vers la ville, il y avait la petite église de Charonne, toute campagnarde. Et surtout des escaliers qui grimpaient à l’aplomb de la rue, avec une plate-forme et une rambarde»[[Le Boucher des Hurlus, page 211.]]. C’est de là que Michou et ses trois camarades observent l’incendie qu’ils ont déclaré dans l’immeuble des Lhozier.

C’est également ici qu’en janvier 1919 le détective René Griffon et sa femme Irène assistent brièvement au mariage d’une amie d’Irène avec un grand blessé de guerre : «La foule des amis, des parents venus accueillir les jeunes mariés sur le parvis de l’église se tenait à l’écart, sur la place. On avait disposé de part et d’autre du portail deux rangées de malheureux gars coincés dans leurs véhicules d’hommes-troncs… Une véritable exposition des différents modèles disponibles sur le marché[[La Der des der, page 164.]].»

Pour se rendre au mariage, René et Irène prennent le train de la Petite ceinture à la gare du Pont de Flandre (à la rencontre de l’avenue Corentin-Cariou et de l’avenue de Flandres).

«Après un court arrêt à « Belleville-Villette » le train reprit peu à peu sa vitesse de croisière, aidé par la déclivité de la voie. Passé le pont bifurqué sur lequel se croisaient les rues Manin et de Crimée, il plongeait sous le parc des Buttes-Chaumont et la colline de Belleville»[[La Der des der, page 163.]].

La belle Véronique Passavant, compagne de Kléber Bouquet dans Un long dimanche de fiançailles, habite 16 rue des Amandiers.

L'ancien chemin de fer de ceinture à la hauteur de la rue de Bagnolet.
L’ancien chemin de fer de ceinture à la hauteur de la rue de Bagnolet.
Griffon gare sa belle Packard dans un garage de l’impasse des Anglais, à l’angle du quai de la Seine.

Il a son bureau tout près, 15 rue du Maroc. L’immeuble qui occupe aujourd’hui cet emplacement est récent.

C’est devant la gare du Nord que le caporal Gordes quitte sa femme pour repartir au front après une permission. Il vient de lui demander d’avoir un enfant avec son ami Kléber Bouquet (Un long dimanche de fiançailles).

Autour de la Bastille

Outre le front et la tranchée Bingo Crépuscule, un décor central du même roman est le bar Chez Petit Louis, situé par Sébastien Japrisot au 27 rue Amelot, près de la Bastille. C’est « une salle aux boiseries sombres, tout en longueur ».

Kléber Bouquet, ami de Petit Louis, habite rue Daval et se retrouve souvent chez petit Louis avec son ami Biscotte, le caporal Gordes, qui tenait avant guerre une menuiserie rue d’Aligre.

Mathilde vient interroger Petit Louis après la guerre et apprend que Bouquet s’est brouillé en juin 1916 avec sa compagne Véronique Passavant.

Emile Boisseau, un soldat qui a connu Gordes et Bouquet et informe aussi Mathilde de leur brouille de juin 1916, habite 12 quai de la Râpée.

C’est dans la prison de la Petite-Roquette (qui occupe jusqu’à 1974 l’espace situé entre les rues de la Roquette, Merlin, Duranti et Servan) que Célestin Louise, inspecteur et soldat, vient interroger Joséphine Taillard, une ancienne connaissance, au sujet du vol des plans secrets d’un nouveau char Renault (L’arme secrète de Louis Renault).

Elodie Gordes, femme du caporal, (Judie Foster dans le film) habite 43 rue Montgallet. Mathilde vient l’y trouver en juillet 1920 pour savoir quelle relation l’unissait à Kléber Bouquet, l’Eskimo. Elodie lui apprend les termes du marché passé en 1916 entre son mari, elle et Bouquet.

Au sud

C’est au 65 rue Bobillot que René Griffon retrouve la trace d’un anarchiste impliqué dans de sombres manoeuvres autour du colonel Fantin de Larsaudière.

«Je quittai le meublé pour m’installer au zinc du « Café des Nageurs » au coin de la rue Bernard, face à la station balnéaire. De ma place je voyais la rue du Moulinet en enfilade ainsi que l’entrée de l’hôtel»[[La Der des der, page 193.]].

«Même les flics de choc ne s’aventuraient pas dans le quartier de la Butte-aux-Caillles une fois la nuit tombée, sans assurer leurs arrières… On en racontait tellement sur ce secteur. […] La rue Bobillot s’appuyait à flanc de butte et piquait sur la rue de Tolbiac. Le numéro soixante-cinq était situé à l’angle de la rue du Moulinet, à deux pas de la « Station balnéaire de la Ville de Paris », un complexe bains-douches-piscine construit en retrait de la route. L’édifice détonnait : de la brique rouge dans ce quartier de constructions austères. Une charpente aux soubassements en poutres apparentes renforçait le caractère déplacé, incongru d’une telle architecture»[[La Der des der, pages 185-186. La « Station balnéaire de la Ville de Paris » est devenu une piscine, place Paul Verlaine.]].

Aux 28 et 30 du boulevard Blanqui est située dans L’arme secrète de Louis Renault la Brasserie de la Reine blanche, où travaille Gabrielle, la soeur de Célestin.

Elle habite rue Corvisart.

Résumé d’Un long dimanche de fiançailles.

Jean-Pierre Jeunet ne pouvait laisser une telle Mathilde enfermée longtemps dans un livre. La Mathilde de Sébastien Japrisot est en effet une héroïne telle que les aime Jeunet : généreuse, romantique, qui n’abandonne jamais sa quête. Et le merveilleux style de Japrisot dans Un Long dimanche de fiançailles rappelle souvent celui d’Amélie Poulain (des phrases du livre sont d’ailleurs reprises en voix off dans le film).

L’enquête que mène Mathilde Donnay entre août 1919 et l’été 1924 a pour but de retrouver la trace de Manech (Jean en basque) Etchevery, disparu sur le front le dimanche 7 janvier 1917 avec quatre compagons d’armes : Kléber Bouquet (« l’Eskimo » ou « Bastoche »), Benoît Notre-Dame (« Cet Homme »), Francis Gaignard (« Six-sous ») et Ange Bassignano (« Droit commun » ou « le Marseillais »). Mathilde pense que Manech – surnommé le Bleuet parce qu’il était de la classe 1917 – n’est pas mort.

Elle a dix-neuf ans, est belle comme Audrey Tautou et ne marche plus. Peut-être suite à une chute d’escabeau à trois ans. Le fait est que « les ordres de son cerveau n’allaient plus jusqu’à ses jambes ». Manech, son ami d’enfance, devait l’épouser.

Parce qu’ils se sont volontairement mutilés, les cinq hommes ont été condamnés à mort à Dandrechain et, bien que grâciés par Poincaré le 2 janvier, ont été accompagnés le soir du 6 jusqu’à une tranchée de première ligne appelée Bingo Crépuscule, dans le secteur de Bouchavesnes[[Aujourd’hui Bouchavesnes-Bergen, à 6 km de Péronne.]] dans la Somme, puis lachés en direction des lignes allemandes. Leur escorte était entre autres composée du soldat Célestin Poux, du caporal Benjamin Gordes (« Biscotte »), du sergent Daniel Esperanza et du caporal Urbain Chardolot.

Par Petit Louis, l’ami de Klébert Bouquet que Mathilde a visité dans son bar de la rue Amelot, Véronique Passavant, la compagne de Bouquet, a appris que Mathilde enquêtait. Elle lui apprend qu’une autre femme à l’accent du midi (Tina Lombardi) l’a rencontrée en mars 1917 et refuse de croire en la mort de son compagnon Ange Bassignano, celui qui portait des bottes prises à un Allemand. Car elle sait qu’au moins un des cinq condamnés en a réchappé, et peut-être deux, et elle voulait savoir si Véronique avait revu Kléber après janvier 1917.

Mathilde, Tina, Véronique. Trois femmes qui espèrent que le survivant de Bingo Crépuscule est leur compagnon, et qui hésitent à se dire l’une à l’autre ce qu’elles savent ou même espèrent, car un condamné à mort survivant, ce serait de toute façon un futur bagnard à vie.

En mars 1920, suite à une annonce qu’elle a passée dans la presse, Mathilde est contactée par le détective Germain Pire, qui a enquêté en 1919 pour la femme du caporal Gordes. La mère du caporal Urbain Chardolot lui écrit aussi que son fils, décédé pendant l’été 1918, a dit avoir retrouvé cinq corps dans la neige, mais qu’au moins un, sinon deux, n’était pas celui qu’il s’attendait à trouver là…

Mathilde apprend plus tard que les deux amis inséparables, Bouquet et Gordes, se sont brouillés pendant l’été 1916. Elodie Gordes lui révèle bientôt que son mari, stérile, a demandé à Bouquet de lui faire un enfant, car Gordes en a déjà cinq – qui ne sont pas de lui – et un sixième signifie la radiation de l’armée.

Ensuite, jusqu’au 3 août 1924, l’enquête de Mathilde ne progresse pas vraiment. Tina Lombardi et Célestin Poux restent introuvables et Germain Pire a renoncé.

Puis, le 3 août 1924, Célestin Poux se présente en moto à la maison de Mathilde, à Hossegor. Germain Pire l’a retrouvé par hasard, grâce à une amie.

Célestin pense que les cinq soldats sont morts, et dit que Gordes est mort un peu plus tard, dans le bombardement de Combles.

Il explique à Mathilde que Gordes a échangé le 7 janvier ses bottes allemandes à Bouquet pour lui éviter une vengeance des Allemands s’ils le prenaient vivant. Or un soldat français avec des bottes allemandes a été aperçu le lendemain portant un plus jeune sur son dos. Tina Lombardi, qui l’a su, a pensé à Bouquet et son amant. Mais il s’agissait de Gordes et d’un autre appelé Desrochelles, partis lundi près de Bingo Crépuscule, sur le terrain regagné dans la nuit par les Français.

Célestin dit aussi qu’il a donné un gant rouge (main gauche) à Manech, pour protéger du froid sa main non bandée.

Mathilde se rend sur le champ de bataille, guidée par Célestin. Ils interrogent une femme qui a assisté après l’Armistice au déterrement des cinq corps et qui ne se souvient pas avoir vu de gant rouge…

Mathilde reçoit soudain, le 8 août 1924, à l’Auberge des remparts de Péronne, une lettre posthume de Tina Lombardi, qui vient d’être exécutée pour l’assassinat du colonel Lavrouye. Pour d’obscures ambitions personnelles, ce dernier avait gardé par-devers lui la grâce accordée par Poincaré aux cinq soldats. Tina a vengé la mort de Droit commun.

Dans sa lettre, elle informe Mathilde qu’elle a recueilli le témoignage d’un sergent-chef tué en mai 1917, qui prétendait que le soi-disant Desrochelles portait un gant rouge à la main gauche.

Mathilde recolle les morceaux. Cet autre Jean, ce Desrochelles, est peut-être Manech. Mathilde rappelle Germain Pire et le lance sur la piste de Jean Desrochelles, qu’ils retrouveront finalement à Noisy-sur-Ecole, près de Milly-la-Forêt.

Entretemps, Mathilde a appris par un officier allemand qui s’est retrouvé prisonnier le lundi 8 janvier à Bingo Crépuscule qu’un cadavre français avec des bottes allemandes gisait dans une cave effondrée au milieu des tranchées. Gordes était donc revenu à Bingo Crépuscule et y était mort, alors qu’on le croyait tué plus tard à Combles ! Quel était donc le soldat aux bottes allemandes aperçu ensuite avec le soi-disant Desrochelles sur le dos ? Par élimination, Mathilde devine qu’il s’agit de Benoît Notre-Dame. Réfugié dans la cave pendant la nuit du 7, il a échangé ses bottes et sa plaque d’immatriculation avec Gordes, revenu le lendemain et qui, blessé, est tombé dans la cave pour y mourir. Il lui fallait en effet dissimuler à tout prix sa véritable identité. Sortant de son abri, il a aperçu Manech à moitié mort, lui a donné la plaque de Desrochelles et l’a éloigné du front.

En décryptant la dernière lettre codée qu’il a écrite à sa femme, Mathilde comprend que Notre-Dame l’a invitée, s’il en réchappe, à le retrouver à Bernay, près de Rozay-en-Brie, en Seine-et-Marne. Elle le retrouve et il confirme toute l’histoire. Elle ne le dénoncera pas.

C’est ainsi que Mathilde retrouve Manech, alias Jean Desrochelles, amnésique, qui s’est mis à peindre comme elle, et qu’elle vit sans doute encore à ses côtés.

Dans l’ouest de Paris

L’enquête que mêne Griffon sur le chantage dont est l’objet le colonel Fantin puis sur le meurtre de sa femme le mène jusqu’à un concessionnaire de voitures au 19 rue Danton à Levallois.

Son enquête s’achève dans une maison occupée par des anarchistes, dont l’adresse est dans le roman 77 rue Breteville à Neuilly-sur-Seine.

Les plans secrets du nouveau char de Louis Renault (le FT 17, premier char mitrailleur léger qui jouera un rôle important dans la victoire en 1918) lui sont dérobés dans le coffre-fort de son hôtel particulier de la rue Puvis-de-Chavanne (L’arme secrète de Louis Renault).

L’enquête est donc confiée à Célestin Louise, rappelé du front pour l’occasion. Cela mène Louise jusqu’aux ateliers Renault à Billancourt.

Le 21 boulevard Malesherbes est la demeure d’Isabelle Dubreuil, fille du directeur de la fabrication des usines Renault.

Devant les grilles du parc Monceau, un inconnu repéré par Célestin Louise aux bras d’Albertine, la femme de service des Renault, lui échappe après quelques coups de poing. Louise apprend bientôt que l’homme habite 12 rue des Dames.

Sadalo, le majordome de Louis Renault, a un vice caché : il se rend régulièrement dans une salle de jeu clandestine, rue Biot.

Lorsqu’elle est à Paris, Mathilde loge chez ses parents, rue La Fontaine (Un long dimanche de fiançailles). Mais elle préfère vivre dans la villa Poéma de ses parents à Cap-Breton, où elle a connu Manech. Elle s’installe en 1923 dans la villa MMM à Hossegor, qu’elle a fait construire en souvenir de Manech.

Pierre-Marie Rouvière, avocat de 50 ans et conseiller juridique des parents de Mathilde, l’aide à enquêter, bien qu’il ne voit pas comment Manech pourrait être encore vivant. Son adresse est le 75 rue de Courcelles.

L’enquête de Célestin Louise s’achève à l’ambassade de Suisse, rue Galilée.

Au centre de la capitale

Une scène de La Der des der se déroule dans les bureaux de L’Humanité, 142 rue Montmartre. Griffon vient s’y renseigner sur les syndicats anarchistes de défense de locataires, très actifs avant-guerre. L’identité trouble du locataire du 65 rue Bobillot l’a orienté sur cette piste, qui sera la bonne.

Célestin Louise a son domicile rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie et son bureau 36 quai des Orfèvres.

Jeanne Hatto, maîtresse de Louis Renault, est cantatrice à l’Opéra. Célestin Louise s’y rend à plusieurs reprises pour l’interroger.

Dans les années 1900, Élodie Gordes travaille dans une mercerie de la rue Saint-André-des-Arts et habite dans l’arrière-cour de la boutique (Un long dimanche de fiançailles).

Le bureau du détective privé Germain Pire se trouve 52 rue de Lille et non, comme dans le film, près de la place de l’Opéra.

Mariette Notre-Dame, femme de l’un des cinq condamnés à mort dans Un long dimanche de fiançailles, habite en 1917 au 1er étage du 14 rue Gay-Lussac.

Célestion Louise s’invite un jour à la brasserie À la Bourgogne, derrière l’Assemblée nationale (sans doute une brasserie en haut de la rue de Bourgogne), afin de voir de près les milieux diplomatiques qu’il croit être liés au vol chez Louis Renault.

Il est convié à l’École militaire à une réunion avec Louis Renault, Albert Thomas, ministre de l’Armement et avec de hauts fonctionnaires, afin d’étudier l’opportunité de lancer la fabrication du char FT 17.

Manech est soigné à l’hôpital militaire du Val-de-Grâce (74 boulevard de Port-Royal) début janvier 1917, sous le nom de Jean Desrochelles.

Sources :

L’arme secrète de Louis Renault, Thierry Bourcy, 2006, Nouveau Monde éditions,

La Der des der, Didier Daeninckx, 1984, Folio n°2692,

Le Boucher des Hurlus, Jean Amila, 1982, Gallimard Série noire n°1881,

Les Ames grises, Philippe Claudel, 2003, Livre de poche n°30515,

Un long dimanche de fiançailles, Sébastien Japrisot, 1991, Folio n°2491.

A voir aussi : www.polarhistorique.com, le blog sur le roman policier historique.