En plein révolution, Maxime Gorki et toute sa maisonnée s’installent au 23 de la perspective Kronwerk (la perspective désigne à Saint-Petersbourg de larges avenues, parmi les plus importantes de la ville) située sur l’île Petrogradskaïa, juste derrière la forteresse Pierre et Paul – appelée à une époque perspective Gorki. Sa femme Maria Fiodorovna Andreïeva avait loué cet appartement au quatrième étage, qui devait aussi abriter la maison d’édition, qui s’avéra vite trop petit et il fallut se résoudre à louer celui, plus spacieux, de dessous. Gorki se démenait sans compter pour faire vivre sa maison d’édition et résister à l’acrimonie de Ziniviev qui supervisait le domaine de l’édition.
Le célèbre écrivain anglais Herbert Wells annonça un jour son arrivée imminente : il voulait absolument voir la « nouvelle Russie » et rendre visite à son grand ami Maxime Gorki. Dès sa venue, il fut convié à la Maison des arts située alors dans la maison Elisseïev à l’angle de la perspective Nevski et de la rue Morskaïa. Gorki et sa secrétaire Moura Benchendorff, la future baronne Boudberg, pilotèrent Wells dans la visite de Petrograd, flânant sur les quais de la Néva jusqu’à la cathédrale Saint-Isaac qu’on transformait alors en musée et au Jardin d’été.
Après une brève visite à Lénine au Kremlin que, dans son lire La Russie de l’ombre, il appelle « le rêveur du Kremlin », Wells revint rapidement à Petrograd où il reprit discussions et flâneries avec Gorki le long de l’Hermitage et du quai de l’Amirauté ou jusqu’au Comité des savants hébergé dans le Palais de Marbre en face de la forteresse Pierre et Paul. Après le départ de Wells, il eut de nouveau des difficultés respiratoires, dues en partie au climat humide de la région. Dans les premiers mois de 1921, quand Lénine lui écrivit dans une lettre pleine d’ironie : « Partez! Sinon on vous expulsera », il comprit qu’il devrait à terme quitter l’appartement du Kronwerk avec ses proche.
Pendant ce temps, Gorki se démenait pour secourir les populations affamées habitant le long de la Volga. Le 10 juillet 1921, il lança un vibrant appel pour les victimes de la faim dans son pays, envoyé aux écrivains influents d’Europe et d’Amérique, ce qui ne fut pas du goût de certains politiques. En plus de ses ennuis de santé, son moral se ressentit durement de la mort de son ami le poète Alexandre Blok à Petrograd et l’arrestation de Nikolaï Goumilev (qui fut arrêté en 1921 pour « complot monarchiste » dans une affaire fomentée par la Tcheka et exécuté en août 1921 avec d’autres membres de la conspiration de Tagantsev).
Gorki partit se reposer quelques jours au mois d’août à Bieloostrov à la frontière finnoise. Outre une santé qui se détériorait, ses nombreux démêlés avec Zinoviev l’exaspéraient de plus en plus. Il se décida finalement à partir voyager à l’étranger, d’abord en Allemagne puis, fuyant une Allemagne chaotique, ce fut l’Italie, à Sorrente tout d’abord en 1925 puis à Posillino tout près de la baie de Naples.
Christian.Broussas at orange.fr
Voir aussi
– Les écrivains de l’époque soviétique