Écrire peut sauver la vie et trois jeunes femmes en sont la preuve : Emily, Charlotte et Anne Brontë. Trop tôt orphelines de mère et ayant perdu deux autres sœurs, vivant avec leur frère Branwell et leur père dans le presbytère de Haworth dont elles avaient du mal à sortir (2), peu reliées à d’autres familles, elles se sont construites à partir de dix ans des mondes imaginaires robustes dans des livres minuscules qu’elles cachaient aux adultes, jusqu’à créer quelques années plus tard des romans devenus des classiques de la littérature anglaise, avec pratiquement pour seuls premiers publics et relectrices elles-mêmes, et dont le cadre s’inspire toujours de lieux proches de Haworth. Quelles autres œuvres auraient-elles laissées si elles avaient vécu plus longtemps !
Bien sûr, quand on pense à elles, on pense davantage aux paysages de landes (les « moors ») battues par les vents et les pluies qu’aux belles bâtisses (qui, pour ce qui les concerne, étaient celles de leurs amis ou des endroits où elles ont étudiés ou travaillé comme enseignantes ou gouvernantes) présentées sur cette page.
Ces landes, c’était ce sur quoi donne le dos du presbytère de Haworth, les trois autres donnant sur le cimetière. Les trois sœurs s’échappent souvent dans cette direction, de préférence à la rue principale du village où, en tant que filles du pasteur, elles sont sensées « faire de la représentation », ce qui ne les attire guère.
Aux relations sociales, elles (surtout Emily) préfèrent les landes, le dessin (qu’elles apprennent tôt) et leur monde intérieur : la lecture, les livres, journaux et revues étant présents partout dans la maison. Branwell, leur frère, recherche un peu plus la compagnie des autres.
Voir aussi Le salon de thé Emily’s à Thornton.
Notes
(1) : C’est aussi la tuberculose qui aura raison de Branwell en septembre 1848, d’Emily en décembre 1848 et d’Anne en mai 1849. Leur père, Patrick, survivra à tous ses enfants y compris Charlotte. Dans son étude fictionnalisée The Crimes of Charlotte Brontë, l’auteur James Tully ose une thèse étonnante reliant ces derniers décès : il s’agirait d’empoisonnements perpétrés par Arthur Bell Nicholls, mari sans scrupules de Charlotte, pour étouffer différentes affaires de moeurs entourant la famille Brontë.
(2) : C’est surtout Anne qui réussira à s’épanouir dans un poste de gouvernante dans les années 1840 chez la famille Robinson, à Thorp Green Hall près de York, aujourd’hui disparu. Branwell la rejoindra début 1843 pour éduquer le jeune garçon de la famille. Il logera alors non loin, dans la Monk’s House qui existe toujours… et séduira la mère de famille, avant d’être chassé de la maison début 1845. En 1839, Anne avait vécu à Blake Hall (aujourd’hui également disparu) à Mirfield, chez les Ingham, une première expérience de gouvernante (avec des enfants insupportables – voir www.annebronte.org/2017/04/09/anne-bronte-and-the-inghams-of-mirfield). Ces deux expériences donneront naissance à son roman Agnes Grey.
Voir aussi « Haworth, les Brontë et l’industrie textile« .
Sources :
The World of the Brontë, Paul Barker et James Birdsall.
Charlotte Brontë, par Elizabeth Gaskell.