Il s’appelle Romain Kacew, devient Romain Gary en 1940 (prix Goncourt 1956) et aussi Emile Ajar (prix Goncourt 1975 pour La Vie devant soi). De la misère à la gloire, en passant par la résistance et la diplomatie, tel est l’itinéraire de cet ours aux yeux bleus et à l’accent russe.
Romain naît à Moscou en 1914, d’une mère comédienne et d’un père qu’il ne connaîtra jamais. La Révolution de février 1917 les jette tous deux sur les routes, jusqu’à Vilnius, capitale de la Lithuanie, puis Varsovie en 1922 ou 23. Dures années pour une mère seule avec son fils. Puis Nice 1927, quelques mois dans un deux-pièces avenue Shakespeare, ensuite à l’hôtel-pension Mermonts, dont Mme Kacew a obtenu d’être gérante, boulevard Carlonne, aujourd’hui 7 boulevard François-Grosso. On est dans le quartier russe de Nice, peuplés par les exilé de l’époque tsariste. Un autre russe a précédé les Kacew dans les rues de Nice : Joseph Kessel, arrivé 3 rue Auber fin 1908 avec sa famille.
Romain est élevé dans une culture française par sa mère. Elle le pousse à étudier et écrire : des poèmes, des nouvelles, des pièces de théâtre, et même des grands romans dont il commence toujours par écrire le dernier chapitre.
En 1933, il s’installe à Aix-en-Provence, rue Roux-Alphéran, pour étudier le droit. Mais il passe beaucoup de temps au Café des Deux garçons, cours Mirabeau, à écrire un roman qui ne trouvera pas d’éditeur.
Il veut écrire comme Malraux, de quelques années son aîné et qui décroche le prix Goncourt 1933 avec La Condition humaine.
1934 voit Romain débarquer à Paris pour poursuivre son droit… et sa vocation littéraire. Il emménage à l’hôtel de l’Europe, rue Rollin. Les temps sont durs. Il est livreur, plongeur, employé au restaurant Lapérouse…
En 1940, incorporé à Londres dans les Forces Aériennes Françaises Libres, il se choisit un nom de guerre : Gary, qui signifie brûler en russe.
Son engagement aux côtés de de Gaulle lui permet de devenir secrétaire d’ambassade en 1945 sans passer par la voie officielle et les concours. Direction Sofia, avec sa toute récente épouse, Lesley Blanch, belle (évidemment) anglaise romancière et voyageuse rencontrée à Londres en 1944.
En 1948, retour à Paris, puis Berne, puis New-York, à l’ONU, entre 1952 et 54, puis la Bolivie. Entre-deux, les Gary achètent en 1949 une maison à Roquebrune-Cap-Martin, rue Pic, une tour de trois étages.
A chaque mission, Gary se lasse un peu plus, ne rentre pas bien dans le moule, et finit par sortir de la langue de bois officielle.
En 1956, il arrive de Bolivie, descend à l’hôtel Pont-Royal, 7 rue Montalembert, et reçoit le prix Goncourt pour Les Racines du ciel (beau titre, n’est-ce pas ?), grande épopée autour des éléphants décrite successivement par les voix des différents protagonistes.
En 1957, le voilà consul de France à Los Angeles. Maison à Hollywood, Buick décapotable. Jean Seberg, belle (évidemment) actrice de 21 ans, qui vient de tourner A Bout de souffle et est mariée à un français, rencontre Gary en décembre 1959. Au printemps suivant, ils s’installent ensemble dans un appartement de l’île Saint-Louis à Paris, et un an plus tard au second étage du 108 rue du Bac. Pour elle, Gary quitte la fonction diplomatique en 1961, et Jean devient Mme Gary en 1963.
Gros-Câlin est un gros serpent qui paraît en 1974 sous le nom d’Emile Ajar (qui signifie braise en russe…). Gary, qui écrivait dans la postface des Têtes de Stéphanie « J’éprouve parfois le besoin de changer d’identité, de me séparer un peu de moi-même, l’espace d’un livre », est allé jusqu’au bout de son projet. Il mystifie tout le monde, sauf Jean, son éditeur et Paul, son neveu qui a accepté d’endosser le rôle médiatique du prix Goncourt 1975. Gary invente un style neuf, drôle, qui prendra un peu de gravité avec La Vie devant soi.
Le 30 août 1979, Jean se suicide mystérieusement près de la rue de Longchamp à Neuilly. Gary accuse le FBI de l’avoir condamnée à cela, à force de faire campagne contre son combat pour les droits des noirs américains.
Accès de dépression ? Impression d’avoir achevé ce qu’il s’était fixé ? Lui-même se suicide le 2 décembre 1980 108 rue du Bac.
Source
Romain Gary. Dominique Bona. Folio.
À voir aux alentours
Quelques présences littéraires à Nice et aux alentours :
– Gogol, Tchekov, Stevenson, Nietzsche, Maupassant, Cendrars, Apollinaire, Carco, Kessel, Fitzgerald, Montherlant, Roger Martin du Gard, Aragon, Eluard, Nabokov, Le Clézio, etc. à Nice,
– Stefan Zweig à Marseille et Nice,
– Gaston Leroux à Menton et Nice.