« Je ne voyage pas pour aller quelque part, mais pour voyager ; je voyage pour le plaisir du voyage. […] L’important, c’est de bouger ; d’éprouver d’un peu plus près les nécessités et les aléas de la vie, de quitter le lit douillet de la civilisation, et de sentir sous ses pieds le granit terrestre avec, par endroits, le coupant du silex. »
Voyages avec un âne dans les Cévennes.
Que diable allait-il faire dans cette montagne ?
Août 1878. Un écossais de 28 ans descend à l’hôtel Morel pour achever au calme quelques écrits dont Le Diamant du Rajah, seconde partie des Mille et une nuits [[Il ne sera que quatre ans plus tard l’auteur célèbre de L’Ile au trésor. Pour l’heure, il a surtout publié An Inland Voyage, récit… de ses balades quelques mois plus tôt sur les rivières du Nord de la France.]]. Ne trouvant pas assez de tranquillité dans le village (il est, c’est vrai, l’objet de toutes les curiosités), ayant bien avancé ses travaux d’écriture et peu à peu pris goût aux balades alentours, il décide quelques jours plus tard de préparer un voyage vers le Sud. Trois semaines après son arrivée au Monastier, ce jeune dandy en santé fragile, aimant goûter à l’alcool et à l’opium et peu habile de ses dix doigts, part vers Saint-Jean-du-Gard, accompagné seulement de l’ânesse Modestine.
Pourquoi veut-il maintenant traverser ces montagnes qu’on dit hantées par les loups et, peut-être encore, par la Bête du Gévaudan ? Parce que Fanny Osbourne, son amoureuse depuis deux ans, vient de repartir aux Etats-Unis pour tenter de divorcer d’avec son mari, et Stevenson veut se mettre à l’écart pour panser, penser et dormir à la belle étoile.
Pourquoi ici ? Parce qu’il aime la France, qu’il visite souvent depuis son adolescence. Il souhaite en particulier découvrir cette partie de l’Auvergne qui lui rappelle l’Ecosse et dont il a lu des descriptions dans des romans de George Sand comme Le Marquis de Villemer [[Stevenson estime que c’est un de ses meilleurs romans et il vient d’en voir une représentation à Paris.]], La Ville noire et Jean de la Roche.
Stevenson le protestant emporte également avec lui des ouvrages sur les guerres de religion de 1702-1705 qui ont vu les Camisards s’opposer au roi de France, guerres qu’il évoque dans son récit.
Il marche donc vers le Sud entre le 22 septembre et le 4 octobre. Son itinéraire passe par Goudet, Le Bouchet-Saint-Nicolas, Pradelles, Langogne, Fouzilhac, Cheylard-l’Evêque, Notre-Dame-des-Neiges, Le Bleymard, le col de Finiels, Florac, Cassagnas, Saint-Germain-de-Calbert. Environ deux cents kilomètres.
Puis retour en Angleterre en passant par Lyon et Autun.
Son récit est rapidement un succès de librairie. L’amour qu’il porte à Fanny, son sens de l’observation, son sens de l’humour et la puissance régénératrice de la nature éclatent à chaque page.
Pour visiter le lieu
Il n’existe pas de réel souvenir du passage de l’écrivain au Monastier. L’hôtel Morel est devenu une pharmacie. Mais le beau musée municipal présente, dans les murs d’un château du XVe siècle, une sympathique évocation de Stevenson. Le musée est ouvert de juin à octobre, et à d’autres moments aussi pour les groupes ou les étudiants (tél. 04 71 03 80 01).
Alors pourquoi ne pas chercher une descendante de Modestine et, Voyages avec un âne dans les Cévennes dans la poche, marcher douze jours sur les traces de Stevenson ?
A voir aux alentours
– 165,
– George Sand à La Rochelambert (Saint-Paulien),
– 199,
– 206.
Petite bibliographie
Voyages avec un âne dans les Cévennes. Robert Louis Stevenson.
Robert Louis Stevenson, les années bohémiennes (1850-1880). Michel Le Bris, NiL éditions, 1994.
Sur le chemin de Stevenson, Hervé Bellec et Bruno Colliot. Editions Ouest France, 2007.
Lire aussi 302.