L’Ecrivain est un commissaire Maigret pas comme les autres. D’abord parce qu’à son époque (le début du XVe siècle), la police n’existe pas ; les forces de l’ordre (le guet, sous l’autorité du prévôt de Paris) défendent leurs intérêts avant la justice. Ensuite, parce qu’il s’embarque toujours – à son corps défendant et en toute conscience – dans des enquêtes qui ne le concernent pas, mais qui mettent en jeu la vie de petites gens qu’il croise sur sa route. Ces aventures-là le mènent souvent très loin. Mais pour lui, défendre l’innocent, c’est payer une dette contractée 10 ans auparavant lorsqu’il a été injustement condamné pour hérésie et banni.
L’Ecrivain n’est pas un héros. Il boit pour oublier l’horreur, la mort ou son passé. Il s’allie avec les mendiants plutôt qu’avec les puissants (qu’ils soient Armagnacs ou Bourguignons, ceux-ci représentent pour lui la même engeance). Il prend l’amour où et quand il le trouve, espérant être encore vivant le lendemain, mais jamais tout à fait sûr. Il note dans un cahier, à l’encre rouge, les avancées de ses investigations.
Accompagnons-le dans Paris au fil de sa première enquête, L’Ecrit rouge.
Nous sommes début 1411 à Paris. Une jeune fille est assassinée par une nuit d’hiver dans la cour d’une maison abandonnée en face de l’échoppe de l’Ecrivain. Tout indique que son meurtrier se trouvait sur le rempart qui entoure la ville. Un homme du guet, donc. La petite a eu le temps de confier à l’Ecrivain sa crainte d’être tuée par une bande qui hante le cimetière des Innocents.
C’est là qu’il se rend pour, espère-t-il, trouver son meurtrier. Il y repère un homme au pourpoint rouge qui a donné rendez-vous à un chevalier bleu portant un lourd médaillon, lui-même accompagné par un archer du guet.
L’Ecrivain se fait repérer et leur échappe de justesse en s’enfuyant dans la nuit.
Il apprend le lendemain par un ami qu’un homme lui ressemblant a été poignardé et jeté dans la Seine. En se rendant près de la Tour de Nesle[[Située alors à l’emplacement actuel de l’Institut de France, quai de Conti.]], où le filet tendu chaque nuit à travers le fleuve repêche les cadavres flottants, il parvient à retrouver le corps de cet homme que l’on a pris pour lui et qui a visiblement été tué par un boucher ou un écorcheur.
Il comprend que sa vie est menacée. Et par des plus puissants que lui, car il croise par un hasard un cortège à la tête duquel chevauchent Armagnac, maître de la capitale, le premier échevin, le prévôt de Paris… et l’inconnu au pourpoint bleu, appelé Le Sénéchal et qui est l’homme de confiance d’Armagnac au Grand Châtelet.
Les investigations de l’Ecrivain lui apprendront qu’un drôle de trafic s’opère de nuit à la porte Bordelle. Elles le conduiront au collège de Navarre[[A l’emplacement actuel de l’ancienne Ecole polytechnique.]], où, dix ans plus tôt, il a été accusé à tort d’hérésie par le chancelier du collège, Bertrand Faber.
Le Sénéchal, Faber et le banquier Augier – propriétaire de la moitié des boucheries de Paris – sont associés dans un impressionnant complot économique, en cette période où les parisiens sont assiégés par les Bourguignons[[La guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons a éclaté quand Jean sans Peur, duc de Bourgogne, a fait assassiner son rival Louis, duc d’Orléans en 1407. Les Orléans se sont alors ralliés aux Armagnacs, contre les Bourguignons.]]. L’homme au pourpoint rouge – alias La Belette – est un indicateur de police au service du prévôt de Paris et occasionnellement du Sénéchal, qui paie mieux.
La mésentente entre le Sénéchal et Faber conduit le second à trahir le premier et à le dénoncer au prévôt. Et une méfiance grandissante – attisée par l’Ecrivain – entre Faber et Augier les conduit à s’entredéchirer dans la maison du banquier, dans le haut de la rue Saint-Jacques non loin de la Seine. Le Sénéchal les rejoint. Il ne manque plus que la présence du prévôt, qui, alerté par La Belette, cerne la maison…
L’Ecrivain et ses amis les gueux mettent ainsi fin aux agissements de ces personnages, en même temps que, s’introduisant dans des souterrains qui relient la maison Augier à la Seine et dont une partie hébergeait le mystérieux trafic de la porte Bordelle, ils éclaircissent une série de morts suspectes indirectement liées à cette affaire.
Une enquête complexe, qui oblige le lecteur à se glisser entier dans la peau de l’Ecrivain public et à plonger avec lui dans le redoutable Paris de 1411.
L’Ecrit rouge, Hubert de Maximy, éditions Albin Michel.
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