Eugène-François VIDOCQ à Arras, Lille, Rouen, Paris, Versailles

Eugène-François, un écrivain ? Un peu, si l’on considère qu’il a collaboré aux Mémoires qu’il a signées de son nom mais qu’il n’a pas rédigées entièrement lui-même. Il est en réalité surtout entré en littérature comme personnage romanesque. Ses Mémoires publiées en 1828 – quatre ans après celles de Fouché – révèlent au public la face cachée du métier de policier.

13 galerie Vivienne
13 galerie Vivienne

Pour Dominique Kalifa (voir l’article Enquête judiciaire, littérature et imaginaire social au XIXe siècle dans l’ouvrage L’Enquête judiciaire en Europe au XIXe siècle, éditions Creaphis), le tournant de l’évolution de l’image du policier dans la société française se situe dans les années 1820. L’ouvrage de Vidocq fait entrer le personnage de l’enquêteur dans la liste des héros romanesques, alors que l’aventurier occupait jusqu’alors le devant de la scène. Mais ces Mémoires ne rendent pas entièrement service à l’image du policier auprès du grand public, car elles l’associent en partie à celle du forçat – même repenti – et confondent un peu leurs méthodes. Bandit ou défenseur de l’ordre, Vidocq mise en effet toujours sur l’espionnage et sur la délation.

Le roman policier, qui naît peu de temps après et bénéficie de l’audience des romans feuilletons, se fixe dès lors comme tâche de redresser cette image dans l’esprit des lecteurs, entre autres par l’intermédiaire de Gaboriau : « [les métamorphoses de l’inspecteur Lecocq sous différents déguisements entrent] dans une série d’arguments qui prolongent avant tout l’apologie sociale et morale de la police, explique Ulrich Schulz-Buschhaus (dans son article Roman policier et roman social chez Émile Gaboriau). Dans cette apologie, l’important c’est évidemment de libérer les inspecteurs de l’héritage douteux d’un Vidocq ou d’un Vautrin en leur rendant un statut professionnel comparable aux autres. C’est ce qui constitue la finalité de la grande tirade de Lecoq sur l’honorabilité des policiers, tirade qui se présente au chapitre 24 comme la contestation d’un « préjugé établi depuis des siècles » (p. 358 du Crime d’Orcival de Gaboriau). Et c’est pour cela que Gaboriau insiste, avec une emphase souvent réitérée, sur l’éminente scientificité de la profession policière ».

Vidocq a inspiré Balzac pour son Vautrin, Edgar Poe par ricochet, et encore Wilkie Collins par ricochet également.

Dans Double assassinat dans la rue Morgue, Poe veut montrer comme Gaboriau que les méthodes de son détective se distinguent de celles de Vidocq et de ses acolytes. Il fait dire au chevalier Dupin dans Double Assassinat dans la rue Morgue : « La police parisienne, si vantée pour sa pénétration, est très rusée, rien de plus. Elle procède sans méthode, elle n’a pas d’autre méthode que celle du moment. On fait ici un grand étalage de mesures, mais il arrive souvent qu’elles sont si intempestives et si mal appropriées au but, qu’elles font penser à M. Jourdain, qui demandait sa robe de chambre – pour mieux entendre la musique. Les résultats obtenus sont quelquefois surprenants, mais ils sont, pour la plus grande partie, simplement dus à la diligence et à l’activité. Dans le cas où ces facultés sont insuffisantes, les plans ratent. Vidocq, par exemple, était bon pour deviner ; c’était un homme de patience mais sa pensée n’étant pas suffisamment éduquée, il faisait continuellement fausse route, par l’ardeur même de ses investigations. Il diminuait la force de sa vision en regardant l’objet de trop près ».


Voici les principales adresses de Vidocq, tirées de http://fvidocq.free.fr/LeSaviezVous.html (le site http://fvidocq.free.fr vous en apprendra beaucoup sur la vie du forçat-inspecteur. A lire en particulier : sur http://fvidocq.free.fr/biblio_2.html, la littérature inspirée par Vidocq) :

– Il naît à Arras, 222 rue du Miroir-de-Venise (aujourd’hui rue des Trois-Visages) en 1775, dans la boulangerie familiale (une boulangerie existe encore aujourd’hui à cet emplacement). La famille vivra aussi rue Méaulens en 1794,
– à Paris : rue de l’Echelle, hôtel du Gaillardbois en 1795,
– à Lille, 31 rue de la Picquerie en 1796,
– à Rouen, 140 rue Martinville en 1803,
– à Paris, 14 rue de la Monnaie en 1805,
– à Versailles, 36 rue de la Pompe en 1805,
– à Paris, rue du Faubourg Saint-Denis en 1805,
– Cour Saint-Martin en 1807,
– 14 rue Neuve Saint-François,
– 22 rue de l’Orme Saint-Gervais en 1813,
– 22 rue Martrois en 1814,
– 8 rue Saint-Denis en 1816,
– 6 rue Saint-Anne (Bureau de la Police de Sûreté) en 1811-1827 au bout de la cour de la Sainte-chapelle,
– 22 rue de l’Hirondelle en 1817-1827,
– 46 rue de Lagny à Saint-Mandé en 1826-1848 (sa maison de campagne),
– rue Pavée (son bureau de Police) en 1831-1832,
– 12 rue Cloche-Perche en 1833,
– 20 rue du Pont Louis-Philippe en 1835,
– 12 place Dauphine en 1837,
– 39 rue Neuve Saint-Eustache en 1837,
– 13 galerie Vivienne en 1840,
– 31 rue de Turenne (rue St Louis au Marais) en 1849,
– 76, Boulevard Beaumarchais en 1850,
– 2, Rue Saint-Pierre Popincourt (actuellement 82, Rue Amelot) en 1854-1857.

Le 222 rue du Miroir-de-Venise (aujourd’hui rue des Trois-Visages) à Arras.